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ce qui concerne les empiétemens de la Russie en Mandchourie, dans le Turkestan et en Perse ?

Au mois de juin 1903, le colonel Younghusband, à la tête d’une escorte de 300 hommes, franchissait la frontière du Sikkim, et se rendait à Khamba-jong, centre habité de l’autre côté de l’Himalaya, le plus rapproché, et attendait quatre mois les délégués thibétains chargés de régler les questions litigieuses entre le gouvernement de l’Inde et celui de Lhassa. Ce dernier ayant fait répondre en fin de compte qu’il n’accepterait aucune discussion tant que les soldats anglais occuperaient son territoire, le général Macdonald recevait l’ordre à son tour d’occuper avec un corps de troupes de 3 000 hommes la vallée du Chumbi, d’y rester l’hiver, puis, de se rendre à Gyantsé, à mi-chemin de Lhassa, et, dans le cas où il n’obtiendrait pas des lamas une solution satisfaisante, de marcher sur Lhassa.

A vrai dire, la tâche a été des plus ardues. Tous ceux qui ont pénétré dans le pays des lamas à travers ce formidable rempart de l’Himalaya, nous ont laissé la description effrayante des dangers et des fatigues auxquels ils ont été exposés : tous, depuis les pèlerins bouddhistes du haut moyen âge jusqu’aux récens héros de la science et aux envoyés hindous de l’Angleterre. Il suffit de lire le journal récemment publié de Sara Chandra Dass, le pandit bengali qui, en 1878 et en 1881, a visité Taschi-lumbo et Lhassa, et qui a suivi précisément le chemin qu’ont repris les troupes du général Macdonald, pour voir quelles ont pu être les difficultés de l’entreprise. Faire l’ascension de cols qui serpentent entre les sommets les plus élevés de la terre, gravir des sentiers de chèvres accrochés aux flancs de pics aigus, faire cet effort dans une atmosphère raréfiée, avec une température cruellement froide, en respirant un air hérissé de pointes de glaçons, tous ces obstacles n’ont pas été d’ailleurs les seuls qu’a dû surmonter le corps expéditionnaire. À cette sévérité du climat, à l’excessive âpreté de ce relief, il faut ajouter la rareté ou plutôt l’absence des vivres, la nécessité de transporter à dos d’homme le ravitaillement et les munitions de la colonne, d’accumuler dans des dépôts les provisions d’avenir, de tracer sur ces montagnes considérées comme inaccessibles, au milieu des avalanches, sur une couche de glace revêtant un fond de roc, des chemins suffisans pour la circulation des convois. La solution du problème du transport a demandé, à elle seule, une haute