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et de mœurs. De taille moyenne, le front étroit, le nez large et aplati, les yeux à fleur de tête et légèrement bridés, les Thibétains paraissent appartenir à la même souche que les peuples turco-mongols avec lesquels leur type physique présente la plus grande analogie ; leurs mœurs et leurs usages ont une ressemblance étroite avec ceux des Mongols ; leur langue parlée est un idiome polysyllabique ; leur religion est le bouddhisme, pratiqué sous sa forme spéciale qu’on appelle le lamaïsme ; et leur histoire, du moins pour la partie qui nous en est connue, n’est guère que le récit des efforts du bouddhisme et des institutions lamaïstes pour s’implanter dans le pays et y dominer.

On ne connaît guère l’histoire des populations thibétaines avant l’introduction parmi elles du bouddhisme. Tout ce que l’on sait, c’est qu’elles obéissaient à différens chefs ou rois et qu’elles pratiquaient le culte de Bong-pa, issu du chamanisme mongol, dont les rites consistaient à faire des offrandes et des prières aux montagnes, aux lacs, aux arbres, représentant les forces de la nature. La première tentative d’introduction du bouddhisme au Thibet eut lieu au IIe siècle de notre ère. Le nouveau culte avait pris naissance dans l’Inde vers le milieu du VIIe siècle avant notre ère et avait été adopté par un grand nombre d’Hindous rebutés par la religion aristocratique et trop exclusive de Brahma qu’ils avaient suivie jusqu’alors. Préoccupés avant tout de se sauver eux-mêmes, les Brahmanes excluaient de leur communion les petits, les humbles, les parias, qui n’avaient pas même droit à la lecture des livres saints, mais Çakya-Mouni (le Sage par excellence) conçut de l’humanité un idéal tout différent. Il songea au bonheur de tous les hommes et appela à lui les parias. Bonté, douceur, charité, amour du prochain, telles furent les vertus qu’il enseigna. Cet idéal supérieur, si bien fait pour attirer les masses et qui avait dès cette époque conquis Ceylan, une grande partie de l’Inde et le Népal, ne fit pas tout d’abord de rapides progrès au Thibet et il faut arriver jusqu’au VIIe siècle pour voir le nouveau culte remplacer dans une grande partie du pays l’ancienne religion Bong-pa. Cet événement eut lieu vers l’an 630 de notre ère sous le règne de Srong-tsan-po (le très puissant et le très sage Srong), qui réunit en confédération un grand nombre de tribus thibétaines et fonda un grand État avec Lhassa pour capitale. Ce prince envoya dans l’Inde un missionnaire, qui en rapporta des livres bouddhistes,