Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 28.djvu/643

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

française ignorait ou bannissait le moine : Rome était en France : il ne fallait pas de moines à Rome. C’était la logique du système.

Les atermoiemens de la Consulte l’irritaient. « Mon but est d’arriver, écrit-il en mai 1810, dès le courant de l’été à n’avoir plus de religieux et de religieuses à Rome. » Il fallut s’incliner. Dès août, Miollis avait liquidé 10 000 individus ; Radet écrivait qu’en travaillant ferme, il déblayait nonnes et frocards. On les renvoyait dans leurs villages d’origine avec promesse d’une petite pension qui était encore à liquider à l’époque où ils rentrèrent à Rome avec Pie VII. On rencontra une très vive résistance autour, plus que dans les monastères : de petites émeutes locales se produisirent. Assise pleura en voyant s’en aller les fils de Saint-François, Subiaco au départ des disciples de Saint-Benoît. Depuis cette époque, au dire d’un témoin, l’agitation ne se calma point.

Elle augmenta quand, le serment ayant été exigé des prêtres une grande partie d’entre eux le refusa. Les agens avaient prévenu l’Empereur : mais celui-ci, estimant que trop d’évêques et de prêtres peuplaient les deux départemens, en était à espérer des refus qui allaient lui permettre une autre liquidation. Sur douze évêques d’Ombrie, huit refusèrent ; il faut lire le récit des entrevues entre ces vieux prêtres romains et leur jeune préfet français, pour comprendre contre quel bloc de granit se heurtaient les fonctionnaires. Même dans le Tibre, où Tournon avait édulcoré la formule du serment, huit évêques seulement, sur vingt-deux, consentirent à le prêter. En mars 1810, les évêques insermentés étaient déportés avec escorte de gendarmes dans le nord de l’Italie. Dès mai 1810, 424 chanoines réfractaires étaient condamnés à être transportés à Plaisance ou en Corse, bagne désormais réservé aux « rebelles de Rome, » et qui, jusqu’en janvier 1814, reçut pêle-mêle chanoines, curés, vicaires et aumôniers. Les autres, les assermentés, à l’index de l’opinion, vivaient misérables : le gouvernement dut leur payer des messes, dix sous pour une messe. Certains jugèrent qu’à la honte d’une désertion, ils n’avaient point assez gagné et se rétractèrent. Ils furent jetés au château Saint-Ange et, à leur tour, déportés.

Dès lors, la guerre ne cessa pas. La dissolution des Congrégations avait, de l’aveu du directeur de police Olivetti, privé de ressources la moitié des artisans de Rome. Les mesures contre le clergé séculier rendaient presque impossible le gouvernement