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représailles, prennent, parmi les femmes des propriétaires ralliés, des otages auxquels ils, font éprouver les pires dommages d’une excessive galanterie.

Quatre commissions militaires sont instituées à Velletri, Spoleto, Viterbe, Frosinone : une cinquième à Rome. Elles condamnent, tous les quatre jours, à mort des bandits, qui d’ailleurs pour la plupart courent encore le maquis. On a formé des colonnes mobiles, mais elles battent en vain la montagne. Les brigands la connaissent mieux que leurs poursuivans : ils gagnent les Abruzzes, narguent l’autorité, qui perd de son prestige et, exaspérée, se fait cruelle. Ne pouvant atteindre les grands chefs, on condamne à mort des comparses. On fusille toutes les semaines des prévenus de brigandage à Piperno, à Frosinone, et à Rome, près de l’église Santa Maria in Cosmedin. Tant de feux de peloton, même légitimement exécutés, ne font point aimer un régime.

Mais le grand obstacle à toute conciliation, c’est le prêtre. D’un adversaire d’abord timide certaines mesures font, au cours des années 1810 et 1811, un irréconciliable ennemi. Durant le carême de 1810, Miollis constatait avec un soupir de soulagement que « les prêtres se tenaient dans les bornes de leur ministère. » La Consulte se faisait fort, si on la laissait agir avec prudence et diplomatie, de laïciser ce pays sans soulever trop de passions : il y eût fallu quelques années et de grands soins. L’Empereur ne l’entendait pas ainsi. « On ne connaissait point ces prêtres de Rome, » écrivait-il ; la prudence serait tenue pour faiblesse ; Rome d’ailleurs ne serait point française tant qu’il s’y rencontrerait un moine et tant que les prêtres n’auraient point prêté le serment.

La dissolution en masse des Congrégations — mesure radicale — fut à la vérité la faute la plus grave. Il y avait dans les États Romains 19 000 congréganistes. A Rome, moines et religieuses dépassaient le chiffre de 14 000. Ils faisaient vivre la moitié de la population de leur clientèle ou de leurs aumônes. Variés à l’infini, ils répondaient, suivant les termes d’un rapport, « aux besoins moraux et religieux de toutes les classes. » Aussi bien, peut-on jamais, sans danger pour l’équilibre d’un peuple de 3 millions d’âmes, arracher brusquement à leur vie normale et à leurs demeures 19 000 citoyens, avec ou sans froc. Mais Napoléon détestait particulièrement ces frocards. D’ailleurs la loi