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curés refusèrent de chanter les Te Deum dont, aussi bien, on faisait un singulier abus sous ce glorieux gouvernement : on affecta de l’ignorer.

Le mariage de l’Empereur avec la « fille des Césars, » — ainsi s’exprimaient les pièces de circonstance, — sembla produire à Rome un effet salutaire. Le Pape perdait son seul allié possible, l’Empereur Apostolique, et la jeune Impératrice semblait apporter à Napoléon un peu des droits de César. Certains prêtres s’en sentirent ébranlés : seuls les francs-maçons de Rome montrèrent quelque inquiétude d’une union aussi catholique ; ils se rassurèrent vite et baptisèrent même du nom de Marie-Louise la loge qu’on venait à grand tapage de fonder à Rome ; elle tint, peu de jours après, dans le palais désaffecté de la Propagande, sous la présidence de Radet, une séance solennelle où l’orateur, Joly, affirma contre toute vraisemblance qu’en ces lieux « avaient été aiguisés et bénis les poignards dont le cardinal de Lorraine arma les Guise pour le massacre de la Saint-Barthélémy, » déclara que Henri VIII et Philippe le Bel « avaient été mus par des idées libérales » et salua « dans l’empereur Napoléon l’image d’une divinité bienfaisante. »


Le choix des hauts fonctionnaires français, quatre mois après la réunion, avait été un coup de maître[1]. A la tête du département du Tibre avait été placé ce Camille de Tournon que Victor de Broglie, son collègue au Conseil d’Etat, n’appela plus que Camillus Capitolinus, préfet de trente ans à l’intelligence étendue, souple, nourrie, un de ces administrateurs qui, comme les Chabrol, les Broglie, les Mole, les Montalivet, font plus d’honneur à Napoléon que ses maréchaux, un de ces fonctionnaires impériaux qu’on promenait de Bruxelles à Florence, de Bordeaux à Laybach, de Turin à Hambourg, et qui, six mois

  1. Les États Romains avaient été, au lendemain de l’annexion, divisés en deux départemens : le Tibre et le Trasimène. — Le Trasimène, exclusivement formé par la haute vallée du Tibre, avait comme chef-lieu Spoleto et comme villes principales Pérouse, Arezzo, Citta di Castello, etc. Le Tibre, moins homogène, comprenait le bassin romain, le bas Tibre et la campagne, flanqué au nord par la région des monts Cimino avec Civita Vecchia, au sud, par les monts Lepini et les marais Pontins avec le port de Terracine, à l’est, par les vallées du Teverone et du Velino avec les monts de la Sabine : Civita Vecchia, Viterbe, Tivoli, Frosinone, Velletri en étaient les principales cités, Rome le chef-lieu. — En somme le Trasimène correspondait à peu près à ce que nous appelons l’Ombrie »t le Tibre au pays romain proprement dit.