Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 28.djvu/630

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la dignité de sénateurs romains. Le geste fut si beau que la Consulte en resta stupéfaite, dans l’impossibilité de pourvoir à aucun service. Les démarches les plus pressantes échouèrent. Quelques agens consentirent, quelques jours après, à reprendre leurs fonctions, provisoirement. On les garda précieusement : comment les eût-on remplacés ? Assez de vides restaient à combler. Une bande de gens s’étaient bien présentés, candidats les uns à une sous-préfecture, les autres à un balai, mais c’étaient précisément de ces serviteurs compromettans dont Napoléon entendait se passer, gens sans aveu, voleurs qui entendaient devenir gendarmes. Il faut lire les lettres éplorées des hauts agens pour se rendre un compte exact de l’embarras où ils se trouvaient placés : l’Empereur ne voulait que des gens estimés et influens ; mais ces gens-là, précisément, refusaient et désertaient les places, dans la crainte de perdre à tout jamais le crédit et l’estime dont ils jouissaient près de leurs concitoyens. Quelques-uns, finirent par accepter : mais, quand on voulut leur faire prêter serment de fidélité à l’Empereur, ils s’y refusèrent en grande majorité. Ce fut le constant souci de l’administration française et l’un des gros obstacles opposés à sa marche.

Si quelque bon chrétien avait cru devoir accepter une place et même prêter le serment, il trouvait dans son confesseur un sévère censeur. Les Pâques amèneront toujours, de 1809 à 1813, des démissions désastreuses, incessante cause d’instabilité et d’insécurité. Chaque année, les démissions sont attendues. « On prévoit, écrira Janet à l’Empereur dès 1810, que la pratique des sacremens dans les derniers jours du Carême fortifiera cette opposition. » Et on verra le préfet du Trasimène, Rœderer, se lamenter sur les inextricables difficultés où il se débat : n’ayant pu trouver qu’un bon fonctionnaire, son secrétaire général, il reçoit la veille de Pâques la démission de ce précieux agent. Les maires eux-mêmes n’acceptent en règle générale de ceindre l’écharpe aux trois couleurs que parce qu’on leur fait craindre « de voir occuper leurs emplois par les mauvais sujets qui ne manquent pas de s’offrir ; mais à l’approche des Pâques, ils se démettent en faisant connaître leur horrible situation, écrit le préfet, puisque les prêtres ne les admettent point à la confession ni à la communion… et que le peuple les considère comme des ennemis de la religion » pour avoir accepté une place du Bonaparte. Comme on avait, aux termes d’un rapport, « compris dans