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la Rome antique. Ces jours héroïques allaient renaître. « La volonté du plus grand des héros vous réunit au plus grand des Empires. Il était juste que le premier peuple de la terre (c’était des Français qu’il s’agissait) partageât le bienfait de ses lois et l’honneur de son nom avec celui qui, dans un autre âge, l’a précédé dans la voie des triomphes. »

Quelques semaines après, le général Radet, chef de la gendarmerie, et provisoirement de la police, signifiait sur un ton un peu différent aux Romains que l’âge de l’héroïsme allait renaître. Le futur vénérable de la Loge Marie-Louise s’exprimait en termes particulièrement durs pour les prêtres qui avaient avili les descendans du grand César. « Le règne du charlatanisme est maintenant passé. Dieu est avec nous : nous sommes ses fils et ceux du grand Napoléon. » Et, pour établir cette filiation, ce gendarme se jetait dans la théologie la plus extravagante : il redescendait d’ailleurs de ces hauteurs aux réalités de la politique. « Si les prêtres ne respectaient pas la domination de l’Empereur, si, contre toutes les apparences, une seule goutte de sang coulait, la vengeance serait terrible. Les prêtres en répondraient sur leur tête… » « Napoléon règne pour le bonheur des peuples, » concluait le général. La crainte que semblait trahir cette circulaire adressée aux agens de la police, était partagée par le gouvernement tout entier ; on redoutait un mouvement ; il ne se produisit pas ; le bruit courait que le roi Murat était à Terracine, — à deux journées de Rome, — avec 6 000 hommes.

Le danger était ailleurs. Le 11 juin, Rome se réveilla dans une situation qui est restée sans doute unique dans l’histoire : une grève complète, — qu’on me passe ce néologisme, — d’administrateurs et d’employés. En tout autre lieu et en tout autre temps, on a vu les administrations survivre aux gouvernemens qui les avaient peuplées ; mais les injonctions formelles de Pie VII, répandues dans la nuit du 10 au 11, avaient produit leurs effets. Depuis les hauts cardinaux, qui dirigeaient encore le 9 juin les diverses administrations romaines, des bureaux de la Daterie aux hôpitaux, jusqu’à leurs plus modestes employés, depuis les prélats qui géraient les douanes et les théâtres jusqu’aux geôliers des prisons, tous refusèrent de garder, fût-ce une heure, les fonctions qu’ils exerçaient. Les agens de l’octroi abandonnèrent incontinent les portes et les balayeurs remirent leurs balais avec