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français dans une aventure par ailleurs ridicule, et achevé de nous rendre odieux.

Des soulèvemens s’étaient alors produits de tous les points du territoire contre un gouvernement impopulaire et que, par surcroît, on jugeait peu solide. Contre un gouvernement fort de pareils soulèvemens ne se fussent point produits. Apathique et prudent, le peuple romain mesure les manifestations de sa rancune à la force de ses gouvernans. Occupée depuis le 2 février 1808 par les troupes françaises, Rome, en dépit de certaines excitations, n’avait point sursauté. Son impassibilité avait trompé les Français : on la tint pour de l’indifférence, de la timidité et peut-être de l’assentiment. On en conclut qu’ « un si bon peuple » serait facilement assimilé et que la réunion, ardemment désirée par l’Empereur, s’imposait. Napoléon avait cru ce qu’on lui écrivait de Rome, oublieux du proverbe italien qui affirme que « les eaux paisibles brisent les ponts. »


La journée du 10 juin fut une des plus radieuses de l’été de 1809. Dès l’aube, un soleil éclatant se leva derrière le Capitale, et le ciel était déjà en feu, quand, vers neuf heures, des salves inusitées, partant du château Saint-Ange, fixèrent sur la vieille forteresse du pape Borgia l’attention de Rome. C’étaient des canons français qui, depuis dix-huit mois, garnissaient le vieux fort romain. Rome entière, en quelques minutes, fut aux fenêtres ou dans la rue. A dix heures, le drapeau pontifical qui, en dépit de l’occupation, s’apercevait toujours au sommet du Château, glissa lentement, ramené le long de la haute hampe, et cessa de flotter ; et, cependant que redoublaient les salves, un autre étendard montait à l’horizon et une minute après, se déploya sur l’azur éclatant du ciel romain le drapeau aux trois couleurs de Valmy et d’Austerlitz, au sommet duquel étincelait l’aigle d’or des Césars.

Au milieu d’une foule, en apparence impassible, parfois un peu gouailleuse, roulent des carrosses aux livrées françaises ; elles ramènent, de la place d’Espagne, où le général Miollis, commandant le corps d’occupation, a provisoirement élu domicile, de gros personnages fort importans : ce sont les membres du nouveau gouvernement, de cette Consulte extraordinaire des États Romains, qui vient de se constituer et de tenir sa première séance. Dans une voiture, qui lentement descend le Corso, on se