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LE
MÉCANISME DE LA VIE MODERNE

LA BOURSE[1]

Du Pont-au-Change où elle naquit, au pied des tours du Châtelet, jusqu’à la colonnade de la rue Vivienne, la Bourse n’a pas fait beaucoup de chemin dans Paris. Les boursiers en ont fait davantage dans l’opinion, depuis le temps lointain où les hommes d’épée rançonnaient les hommes d’argent, jusqu’au temps actuel où les hommes d’argent gouvernent les hommes d’épée.

Cependant, depuis les « changeurs » de Philippe le Bel jusqu’aux collègues de M. Berteaux, la Bourse continue de s’ouvrir à midi, heure choisie naguère par les financiers comme étant celle de la levée d’audience des magistrats de la Cour, à qui ils avaient affaire. Et quoique les rapports de la spéculation avec le Palais de justice soient rares et d’ailleurs peu souhaités ; quoique depuis deux cents ans et plus, les « courtiers de change » aient quitté la place Dauphine, bâtie à leur intention par Henri IV, — « la plus belle et la plus utile de Paris, » disait un contemporain, — pour émigrer d’abord à l’hôtel de Soissons, rue Quincampoix, puis à l’hôtel de Nevers, la Bibliothèque nationale de maintenant, c’est toujours à midi que les officiers ministériels de 1905 entrent à la corbeille ; exactement à l’heure où montaient à l’ « estrade » foraine leurs devanciers du XVIe siècle.

  1. Voyez la Revue du 1er mai.