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rencontre à profusion des mots qui frappent par leur profondeur et leur justesse, et dont il semble que la réflexion n’épuisera jamais le sens et la portée. Observations sur l’homme et sur la vie, sur la nature et sur la science, sur la morale et sur la société, sur l’art et sur la philosophie, on trouve de tout cela dans ce petit volume, et tout cela exprimé avec une vigueur de concision, avec un je ne sais quoi de direct, de plein et de définitif qui en redouble la puissance suggestive. A quoi bon citer ? A quoi bon rappeler des formules qui sont dans toutes les mémoires ? Il semble vraiment que cet homme soit allé au fond de toutes les questions qui peuvent intéresser l’homme, et que, de chacune de ses explorations à travers le monde moral, il ait rapporté des lumières nouvelles. Plus on voudra réfléchir par exemple à la célèbre distinction entre l’ « esprit géométrique » et l’ « esprit de finesse, » ou à la théorie des « trois ordres, » plus on les trouvera riches de signification, plus l’on verra s’en dégager d’infinies conséquences. Mais il y a plus. Pascal ne s’est pas contenté de formuler « sous l’aspect de l’éternité » des idées vraies d’une vérité éternelle ; il était doué d’une telle force de pensée, il avait une telle capacité d’invention qu’il lui est arrivé non seulement de pressentir, mais encore d’exprimer avec une singulière netteté des conceptions toutes contemporaines. — On a rapproché non sans raison le procédé logique de Pascal qui consiste essentiellement à opposer deux thèses contradictoires, deux vérités partielles et incomplètes, et à en chercher la justification dernière dans un point de vue supérieur qui les domine en les unifiant, de la dialectique de Hegel qui procède également par thèse, antithèse et synthèse ; et ce n’est pas la seule idée hégélienne que l’on trouverait dans Pascal. — Voici maintenant du Darwin ou du Spencer : « Les pères craignent que l’amour naturel des enfans ne s’efface. Quelle est donc cette nature sujette à être effacée ? La coutume est une seconde nature, qui détruit la première. Mais qu’est-ce que nature ? Pourquoi la coutume n’est-elle pas naturelle ? J’ai grand’ peur que cette nature ne soit elle-même qu’une première coutume, comme la coutume est une seconde nature. » — Voici du Taine : « Talent principal, qui règle tous les autres : » c’est exactement la fameuse théorie de la faculté maîtresse. — Les discussions récentes sur « les faillites partielles de la science » sont comme enveloppées dans plus d’une pensée, notamment dans celle-ci : « La science des choses extérieures