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M. Brunschvicg a essayé de ressaisir, avec le dessein général de l’Apologie, ce que l’on pourrait appeler, ce qu’il veut même que l’on appelle la philosophie de Pascal[1], sont à lire, même après celles que Ravaisson, ici même, a consacrées à cette question[2] ; et je ne saurais, pour ma part, en faire un plus grand éloge.

M. Brunschvicg avait publié, avant sa grande édition des Pensées, une petite édition classique des Opuscules et Pensées qui mérite d’être ici signalée[3]. La disposition en est des plus ingénieuses. Les lettres et opuscules divers de Pascal[4], — sauf les écrits strictement scientifiques et théologiques, — y sont enchâssés, à leur date respective, dans une longue étude historique très lucide et très complète qui ramasse et utilise tous les principaux renseignemens qu’on nous a transmis sur l’œuvre et sur la personne de Pascal[5]. Quant aux Pensées, elles sont publiées, mais sans les variantes, dans l’ordre indiqué précédemment, et avec un bon commentaire, dont les parties essentielles se retrouvent d’ailleurs dans celui de la grande édition. Et les mérites de cette disposition et de ce commentaire font de cette édition la meilleure des éditions courantes des Opuscules et Pensées de Pascal.

Enfin, M. Brunschvicg a tenu à honneur de compléter et de

  1. « Tout homme, dit excellemment M. Brunschvicg, tout homme est philosophe qui a su dominer et ramener à l’unité l’ensemble de ses conceptions scientifiques, psychologiques, sociales et religieuses. Pascal a-t-il parcouru, par un progrès de pensée dont il a déterminé les étapes, l’intervalle qui sépare l’expérience du Puy de Dôme et le miracle de la Sainte-Epine ? A-t-il relié l’une à l’autre, pour en faire l’objet d’une même synthèse, la conduite de l’homme dans le monde et la conduite de Dieu vis-à-vis de son Église ? A-t-il, en un mot, conçu dans son intégralité le monde intellectuel ? S’il l’a fait, il y a lieu de décrire le monde de Pascal, comme on ferait pour le monde de Malebranche ou de Spinoza, de Schopenhauer ou de Hegel (p. cm-civ). »
  2. Voyez la Revue du 15 mars 1887.
  3. Blaise Pascal, Opuscules et Pensées, publiés avec une introduction, des notices et des notes, par M. Léon Brunschvicg, 1 vol. petit in-18, Paris, Hachette, 1897 ; 3e édition, revue et corrigée, 1904.
  4. Parmi les éditions partielles récentes des Opuscules de Pascal, il y a lieu de mentionner celle de M. Charles Adam (Hachette, 1887), l’édition critique de l’Abrégé de la Vie de Jésus-Christ, par M. G. Michaut (Fribourg, Veith, et Paris, Fontemoing, 1896), et du même auteur une édition du Discours sur les passions de l’Amour (Fontemoing, 1900). M. Joseph Bédier, dans ses Études critiques (Colin, 1903), nous a donné un excellent texte critique de l’Entretien avec M. de Saci.
  5. Pourquoi M. Brunschvicg (p. 15), quand il en vient à parler du légendaire accident du pont de Neuilly, a-t-il conservé la date du 8 novembre 1654, qui provient, — M. G. Michaut s’en est expliqué d’une manière fort piquante dans une lettre qu’a publiée la Quinzaine du 16 avril 1902, — d’une erreur de lecture commise par ses imprimeurs ?