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relevées sur l’autographe ; et, s’il n’a pas cru devoir recueillir un aussi grand nombre de leçons non manuscrites que M. Michaut, le choix qu’il nous en offre est encore suffisamment complet pour que les travailleurs eux-mêmes n’aient pas grand’chose à y regretter. De plus, il a accompagné la publication des Pensées d’un commentaire perpétuel où, naturellement, il utilise les travaux de ses devanciers, mais où il les complète sur bien des points par ses recherches et ses interprétations personnelles. Ces notes sont excellentes de ton, et l’effort qu’y déploie l’auteur pour comprendre et pour expliquer Pascal est souvent des plus heureux. « Le Mystère de Jésus, dira-t-il par exemple, défie tout commentaire. Nulle part peut-être n’éclate d’une façon plus profondément touchante le caractère unique et incomparable du christianisme : la concentration autour d’une personne réelle des sentimens les plus élevés et les plus universels qu’il y ait dans le cœur de l’homme, l’esprit de renoncement et l’esprit de charité. » On aimera sans doute cette justesse émue et cette sobriété d’accent. Au reste, pour le fond, le commentaire de M. Brunschvicg est d’un historien plutôt que d’un philologue et même d’un philosophe. Ce qu’il a voulu déterminer avant tout et mettre pour ainsi dire sous nos yeux, ce sont les sources de la pensée de Pascal[1] ; ce sont les textes, — plus nombreux qu’on ne croit généralement, — dont Pascal s’est inspiré ; il a jugé avec raison que « des rapprochemens de ce genre nous permettent presque de nous asseoir nous-mêmes à la table où travaillait Pascal. » Enfin, il a fait précéder son édition d’une longue Introduction, qui contient, avec la réunion des principales pièces justificatives nécessaires à la complète intelligence des Pensées, — notons-y au passage l’heureuse reproduction du Discours, trop oublié, de Filleau de la Chaise, — une étude très nourrie sur les Pensées, leurs origines et leur histoire[2]. Les pages où

  1. Sur cette question, si importante et si délicate, des sources et lectures de Pascal, M. Brunschvicg a, dans son Introduction, une trentaine de pages très instructives et fort pénétrantes : on est pourtant un peu étonné qu’il n’y ait pas tenu compte d’Épictète, que Pascal lisait, non pas, comme on le croit d’ordinaire, dans la traduction de Du Vair, mais dans celle du P. Goulu.
  2. L’Introduction nous offre d’abord une histoire très attentive des différentes éditions des Pensées qui se sont succédé depuis 1670 jusqu’à nos jours. Il eût été bon d’y signaler une édition en deux volumes petit in-18, datée de 1785, et intitulée Pensées et Réflexions extraites de Pascal sur la religion et la morale (Paris, imprimerie de Monsieur, chez Royez, libraire). L’auteur est l’abbé Ducreux, chanoine honoraire d’Auxerre ; avant Frantin, l’abbé Ducreux a voulu rétablir le plan véritable de Pascal : il avait d’ailleurs consulté les manuscrits.