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davantage : il a mieux aimé reconstituer après Frantin le plan de l’Apologie. Pourtant, le travail, moins glorieux en apparence, était, en réalité, plus utile et plus fécond en curieux résultats. Il a largement payé de sa peine celui qui, plus de deux siècles après Port-Royal, s’y est le premier patiemment appliqué. Dans un volume qui fait partie du recueil des publications académiques de l’Université de Fribourg en Suisse[1], M. G. Michaut a entrepris de publier : d’abord, et avant tout, le précieux manuscrit autographe des Pensées conservé à la Bibliothèque Nationale, et cette fois, dans l’ordre, ou plutôt dans le désordre même où nous l’a laissé en 1711 l’abbé Périer, neveu de Pascal ; puis tous les fragmens qui nous sont fournis par d’autres sources[2]. Il a de plus relevé avec un soin extrême toutes les variantes qu’il a pu déchiffrer dans ces divers manuscrits, et toutes les leçons des principaux éditeurs précédens ; il a distingué par des différences de caractères l’écriture de Pascal des écritures étrangères qui ont envahi même le manuscrit original, et des textes simplement imprimés. En un mot, il a traité les Pensées comme les philologues traitent d’ordinaire les textes anciens : il en a procuré l’édition proprement critique.

Par ce moyen, et grâce à cette méthode, deux principaux résultats ont été obtenus. En premier lieu, un certain nombre de Pensées, — une quinzaine environ, — que les éditeurs jusqu’alors avaient sans doute laissées tomber au cours de leurs classemens ou de leurs restitutions, ont été retrouvées par M. Michaut dans

  1. Collectanea Friburgensia, fasc. VI. Les Pensées de Pascal disposées suivant l’ordre du cahier autographe. Texte critique établi d’après le manuscrit original et les deux copies de la Bibliothèque Nationale, avec les variantes des principales éditions, précédé d’une Introduction, d’un tableau chronologique et de notes bibliographiques, par G. Michaut. Un vol. in-4o. Fribourg, Veith, et Paris, Fontemoing.
  2. Ces sources autres que le manuscrit original sont au nombre de quinze. Ce sont : les deux copies de la Bibliothèque Nationale, les deux manuscrits du P. Guerrier, le portefeuille du médecin Vallant, trois autres manuscrits, dont l’un a été possédé par Sainte-Beuve, l’édition de Port-Royal, l’édition Bossut, la Vie de Pascal, par Mme Périer, les manuscrits qui reproduisent les documens réunis par Marguerite Périer, le Traité de l’éducation d’un prince, de Nicole, et ses Essais de morale, la Logique de Port-Royal.