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Pascal eût pensé de cette disposition qu’on lui inflige encore. L’abbé Guthlin, dont l’ouvrage est posthume[1], avait d’ailleurs beaucoup étudié, beaucoup médité, beaucoup vécu Pascal, qu’il voudrait, comme l’abbé Margival, orthodoxiser, si je puis ainsi dire, le plus possible ; et le pénétrant Essai sur l’Apologétique de Pascal, qu’il a placé en tête de son édition, compte parmi les bonnes pages qu’on ait écrites sur la question. Quant à M. le chanoine Didiot[2], « ce n’est pas seulement une nouvelle édition qu’il a voulu faire ; c’est une nouvelle réfutation sans phrases des erreurs qui déparent l’un des plus beaux essais de la raison humaine et de l’apologétique chrétienne. » Et il tient parole. Voici quelques-unes de ses notes : « C’est justement le contraire qui est vrai… Pascal se trompe… Toujours la même erreur… Ce genre de raisonnement ne se rapproche-t-il pas beaucoup du sophisme ?… Ne soyons pas si pessimistes… » — M. le chanoine Didiot, on le voit, est optimiste, — sauf en ce qui concerne Pascal.

Cependant, parmi toutes ces restitutions, réimpressions et réfutations, le texte des Pensées de Pascal en restait au point où l’avait laissé M. Molinier en 1879. Un travail demeurait à faire, qui n’avait jamais été tenté, et dont l’idée était pourtant assez simple. Aussi bien, les amis de Pascal l’avaient-ils eue, et, pour diverses raisons, il est regrettable qu’ils ne l’aient pas réalisée. « Comme il y avait, nous dit Etienne Périer, plusieurs manières de l’exécuter (le dessein qu’on avait formé de donner au public les fragmens des Pensées), l’on a été quelque temps à se déterminer sur celle que l’on devait prendre. La première qui vint dans l’esprit, et celle qui était sans doute la plus facile, était de les faire imprimer tout de suite dans le même état où on les avait trouvés. » Mais on ne s’y tint pas ; et Faugère qui, le premier, en 1844[3], a tout ou presque tout publié, ne s’y est pas tenu

  1. Les Pensées de Pascal, édition philosophique et critique, enrichie de notes et précédée d’une introduction par A. Guthlin. Paris, Lethielleux, in-18 ; 1896. — Voyez, sur l’abbé Guthlin, l’étude de M. Léon Lefébure, dans ses Portraits de croyans au XIXe siècle. Paris, 1905, Plon.
  2. Pensées de Blaise Pascal, dans leur texte authentique et selon l’ordre voulu par l’auteur, précédées de documens sur sa vie et suivies de ses principaux opuscules, édition coordonnée et annotée par M. le chanoine Jules Didiot. Un vol. In-8°. Paris et Lille, 1896, Desclée et de Brouwer.
  3. L’édition des Pensées, fragmens et lettres de Blaise Pascal que Faugère avait publiée en 1844 chez l’éditeur Andrieux, et qui était devenue introuvable, a été réimprimée en 1897 a la librairie Leroux, avec des additions et corrections préparées par l’auteur avant sa mort en vue d’une seconde édition. Le texte a été revu et corrigé de nouveau d’après le manuscrit autographe ; trois pensées omises ont été ajoutées ; un nouveau texte de l’Entretien avec M. de Saci, extrait d’un manuscrit des Mémoires de Fontaine, a été reproduit ; on y a joint enfin, avec des notes nouvelles, l’Abrégé de la Vie de Jésus-Christ, par Pascal, le testament du grand écrivain, et plusieurs fac-similés de son écriture. Même après les progrès accomplis par les derniers éditeurs, cette édition reste encore utile à consulter.