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De fait, c’est bien ce classement traditionnel, — à peine modifié sur certains points, — que nous offrent deux éditions « classiques » récentes : l’une, de M. Ch. Gidel, l’autre, de M. Margival. L’édition de M. Gidel, qui n’est qu’une édition d’extraits[1], vaut surtout par un commentaire très abondant et très nourri. Celle de M. Margival[2], — M. Margival est l’auteur d’un livre un peu paradoxal peut-être, mais fort curieux, sur Richard Simon et la critique biblique au XVIIe siècle, — celle de M. Margival a bien des mérites. Les notes en sont intéressantes et ingénieuses ; l’auteur y a joint une petite grammaire et un petit vocabulaire de la langue des Pensées qui, en attendant de plus amples travaux, rendront de réels services ; enfin, il a fait précéder son édition d’une remarquable étude sur Pascal et sur les Pensées ; et quel est l’admirateur de Pascal, qui ne lui pardonnerait son pieux effort pour rendre l’Apologie parfaitement orthodoxe et pour en exorciser toute trace de jansénisme ?

Deux autres éditeurs récens des Pensées ont été plus hardis, — ou plus téméraires. « La dernière chose, a dit Pascal, qu’on trouve en faisant un ouvrage est de savoir celle qu’il faut mettre la première. » On n’a pas assez médité ce mot. On a oublié qu’au témoignage d’Etienne Périer, Pascal « disait souvent qu’il lui fallait dix ans de santé pour achever son œuvre, » et que, peut-être, dans les notes et fragmens qui nous sont parvenus, n’avons-nous pas les résultats du labeur d’une seule année de vraie santé. On n’a pas vu, d’autre part, que nous ne possédions pas tous les matériaux recueillis par Pascal. Enfin, et surtout peut-être, on s’est abstenu de se reporter au manuscrit autographe dont la vue, même superficielle, devrait suffire à décourager toute entreprise de restauration posthume[3] ; et l’on a voulu restituer encore le vrai plan, le plan définitif de l’Apologie, que Pascal n’avait sûrement pas arrêté. Dans un esprit bien différent, MM. Didiot et Guthlin se sont voués à cette œuvre, et il faut avouer que la « table des matières » qu’ils nous présentent a assez belle apparence. Seulement, il ne faut pas trop dépasser la table des matières ; surtout, il ne faut pas se demander ce que

  1. Pensées de Pascal, choix et extraits, édition destinée aux classes, par M. Ch. Gidel. Paris, 1894, 1 vol. in-18, Garnier frères.
  2. Pascal, Pensées, édition classique par M. l’abbé Margival. Paris, Poussielgue, 1897, in-12 ; 3e édition revue et corrigée, 1903.
  3. Voyez à ce sujet, dans la Revue du 15 août 1879, l’article décisif de M. Brunetière sur Les Pensées de Pascal.