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volumes, six études d’ensemble consacrées à Pascal ont vu le jour. Pascal serait-il donc en passe de détrôner Voltaire ou Molière dans cette ferveur et cette communauté d’admiration que l’on professe d’ordinaire pour le grand écrivain qui représente le mieux le génie d’une race ? Et commencerions-nous à être aussi fiers de l’auteur des Pensées que les Italiens le sont de leur Dante et les Anglais de leur Shakspeare ?

Ce qui est sûr, en tout cas, c’est que ces publications diverses ont renouvelé sur bien des points un sujet qu’on aurait pu croire épuisé, et qui, en réalité, est inépuisable comme les questions qu’il soulève. Car, à supposer que l’on sache un jour tout ce qu’il est possible de savoir de la personne de Pascal et de son rôle historique, son œuvre est trop humaine et trop vivante encore pour qu’on ne discute pas à l’infini sur elle. Mais cette œuvre même, et l’homme qui l’a réalisée, nous ne les connaissons pas encore comme nous voudrions, comme nous pourrions peut-être les connaître ; et ce que nous demandons d’abord aux « pascalisans, » c’est de nous faire pénétrer plus profondément dans l’intimité de la pensée et de la vie de leur héros.

Des deux grandes œuvres que nous a laissées Pascal, les Provinciales et les Pensées, la première est celle qui a le moins provoqué le zèle des récens éditeurs. Cependant, depuis l’édition que Havet, en 1885, a donnée comme pendant à son édition des Pensées, deux grandes éditions des Provinciales ont vu le jour[1]. La première est celle que Prosper Faugère a publiée dans la Collection des Grands Écrivains de la France[2], et qu’il n’a pas eu le temps d’achever. Il faut bien avouer qu’elle est assez loin de valoir l’édition des Pensées que le même Faugère avait publiée en 1844, et qui, assurément dépassée depuis, marque pourtant une date importante dans l’histoire posthume de ce livre mémorable. On peut adresser deux principales critiques à cette

  1. M. Brunetière a publié aussi en 1891, à la librairie Hachette (5e édit., 1902), avec une Introduction, des notes et un appendice, une très intéressante édition classique des Provinciales (Lettres I, IV et XIII, et extraits des autres). On discuterait volontiers ici quelques-unes de ses conclusions si l’on n’avait pas l’espoir qu’il reviendra lui-même quelque jour sur la question, et qu’il reprendra en les développant les vues nouvelles qu’il parait avoir sur le sujet, si du moins l’on en juge par quelques lignes trop brèves de son Manuel de l’Histoire de la littérature française.
  2. Œuvres de Blaise Pascal, nouvelle édition d’après les manuscrits autographes, les copies authentiques et les éditions originales, par M. Prosper l’augure. Paris, Hachette, in-8o ; t. I, 1886 ; t. II, 1895.