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ni l’habileté de leur chef et de ses subordonnés immédiats, ni la vitesse de leurs principales unités ne leur eussent assuré la victoire. Les belles charges des divisions de torpilleurs se seraient heurtées sans résultat, le soir du 27, à des bâtimens bien défendus par des équipages fortifiés par le succès et disposant encore d’un nombre suffisant de bouches à feu moyennes et légères.

Mais d’où vient la puissance du feu des Japonais ? Du coup d’œil exercé de leurs pointeurs[1], c’est certain, mais aussi de quelques autres facteurs, méthodes de tir, discipline du feu, choix heureux de la distance, que la supériorité de la vitesse permet de conserver, bon état du matériel, valeur des explosifs[2]. Notons que l’escadre nipponne, contrairement à ce que l’on avait cru d’abord, n’a pas pris l’initiative de l’ouverture du feu, comme elle l’avait fait au Yalou. C’est à 6 000 mètres seulement qu’elle commence à tirer et il semble que ce soit avec ses pièces moyennes, dont l’approvisionnement est beaucoup plus large que celui de la grosse artillerie ; celle-ci n’entre en jeu qu’entre 3 000 et 4 000 mètres, avec des distances parfaitement repérées, et ses effets sont alors foudroyans, décisifs. Au demeurant, point de consommations exagérées, point de gaspillage de munitions comme dans les rencontres précédentes : en présence du commandant en chef, du moins, et sur ses ordres, le feu cesse complètement quand la brume, la fumée[3]ou la distance en diminueraient l’efficacité. En revanche, feux rapides, rafales d’obus bien ajustés aux momens décisifs, et cela jusqu’à la fin de la journée[4], car il importe peu que les soutes se vident si le but est atteint et l’adversaire écrasé. Ce ne sont pas les Japonais

  1. L’amiral Togo semble, en prévision de la rencontre décisive qu’il devait avoir avec l’escadre de la Baltique, avoir pris un soin particulier de l’instruction pratique de ses canonniers. On a dit qu’il avait fait exécuter beaucoup de tirs par mauvais temps. L’exemple serait bon à suivre dans beaucoup de marines.
  2. Les journaux parlent d’une poudre spéciale, la poudre Chimosé, dont seraient chargés les obus japonais et qui produirait des résultats étonnans. On avait dit quelque chose comme cela de la charge intérieure des obus américains après Santiago. C’était tout simplement de la poudre noire. Réservons donc encore sur ce point notre jugement.
  3. Russes et Japonais employaient certainement les poudres sans fumée ; mais il faut savoir que chaque gargousse de poudre de ce genre est munie d’une « pastille » d’allumage en poudre noire. De là, production de fumée qui, à la longue, dans un feu nourri, devient très intense.
  4. L’attaque des torpilleurs est préparée et soutenue par un feu rapide, violent, des croiseurs cuirassés (Relation d’un officier japonais).