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l’amiral Nebogatof à capituler aussitôt que se produisit l’attaque.

Tout était consommé[1].


V

La bataille de Tsoushima est, au point de vue des résultats, une des plus décisives dont l’histoire maritime fasse mention. A Trafalgar, quelques vaisseaux français et espagnols regagnèrent Cadix, le soir du 21 octobre, et l’intrépide Cosmao en reprit cinq, le surlendemain, sur les Anglais, aussi maltraités par la tempête que par le combat. Le 2 août 1798, Villeneuve avait sauvé d’Aboukir deux vaisseaux et deux frégates, non sans encourir le reproche de n’avoir pas assez fait pour secourir son chef, le malheureux Brueys. A Lissa, défaite morale pour les Italiens, plus que désastre matériel, le vaincu se retirait avec 9 cuirassés sur 11 et c’était encore 2 de plus que n’en comptait son vigoureux adversaire. Le soir du combat du Yalou, nous l’avons vu, les deux unités lourdes de l’escadre chinoise rentraient à Port-Arthur sans être inquiétées, et, si l’anéantissement de l’un des combattans est plus complet à Cavite et à Santiago, c’est que, dans ces deux journées, les Américains avaient, à tous égards, une écrasante supériorité. On ne voit guère que la bataille de Navarin qui, mettant aux prises des flottes à peu près équivalentes, par la puissance apparente du moins[2], se termine, comme celle de Tsoushima, par la destruction totale de l’un des deux partis. Et c’est, il faut l’avouer, une singulière et « suggestive »

  1. Le petit croiseur Almaz et 2 contre-torpilleurs réussirent à rentrer à Vladivostock ; l’amiral Enquist conduisit à Manille sa division d’éclaireurs ; 2 croiseurs auxiliaires furent désarmés dans un port chinois. C’est là tout ce qui reste de l’escadre de la Baltique. On évalue les pertes en personnel à 10 ou 12 000 hommes et les Japonais ont fait de 4 000 à 5 000 prisonniers.
    Ajoutons, pour en finir avec ce sujet, que le Dimitri-Donskoï fut rencontré à l’état d’épave, le 28 au matin, et coulé par le Kasuga, que le Svietlana sombra, — torpillé sans doute, — dans la nuit du 27 au 28 et que l’Izoumroud, séparé de la division Nebogatof, alla s’échouer à la côte de Corée, où il fut détruit.
    L’amiral Togo accuse une perte de 3 torpilleurs et de 800 hommes environ, tués ou blessés. L’amirauté russe vient de faire paraître, ou de laisser paraître un document qui attribuerait aux Japonais des pertes beaucoup plus grandes : entre autres, celle d’un cuirassé. Nous ne pouvons, pour le moment, que nous en tenir aux données du rapport officiel.
  2. 3 vaisseaux turco-égyptiens, 17 frégates et un grand nombre de bâtimens légers appuyés sur des batteries de côte contre 10 vaisseaux et 10 frégates anglais, russes et français.