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se traduisait dans le budget par une diminution de dépenses, par conséquent par une diminution d’impôts pour l’ensemble des contribuables. Le bon sens recommandait cette solution, d’autant plus que le budget est dès maintenant menacé, en dehors même de l’accroissement normal des dépenses pour l’entretien des services publics, d’un assez grand nombre de charges nouvelles se rapportant soit à des lois votées, soit à des lois à voter. Quelques-unes sont indispensables, celles, par exemple, qui auront pour objet, après les alertes de ces derniers jours, d’assurer la pleine disponibilité de notre puissance militaire ; mais on en annonce beaucoup d’autres qui ont le plus souvent un caractère social et dont il est par cela même presque impossible, en dépit des limites où on prétend les enfermer, de calculer les exigences futures. De toutes ces charges et surcharges de l’avenir, la Chambre ne se préoccupe guère ; elle ne voit que le présent, et elle veut, dans le présent, faire un cadeau à ses électeurs. Sous quelle forme ? c’était la question. Comment a-t-elle été résolue ? Fort mal. On a opéré le partage des dépouilles de l’Église entre les communes, proportionnellement à la part de chacune dans la répartition de la contribution foncière des propriétés bâties, ce qui favorise les grosses communes au détriment des petites. N’importe : nous comprenons maintenant pourquoi tant de gens tiennent à ce que la loi soit appliquée avant les élections prochaines. Tout le budget des Cultes ne sera pas dès maintenant disponible ; mais il y aura quelques millions à distribuer. Sans doute, ce que l’État aura donné d’une main, il le récupérera bientôt de l’autre ; ses largesses d’aujourd’hui seront compensées, et au delà, par ses reprises de demain ; mais l’effet immédiat, à la veille des élections, sera excellent : et voilà expliqué l’intérêt passionné que la Chambre a pris à ce débat. On lui avait promis autrefois le milliard des congrégations, avec lequel elle aurait pu faire toutes sortes de lois sociales, au premier rang desquelles figuraient les retraites ouvrières. Le fameux milliard s’est évaporé. Nous ne le regrettons pas, car spolier les uns pour enrichir les autres est une opération peu recommandable : néanmoins l’affectation qu’on donnait au milliard des congrégations se défendait par d’assez belles apparences. Les milhons du budget des Cultes ont quelque chose de moins chimérique, et, puisqu’on ne les portait pas simplement en décompte dans les dépenses, on aurait pu les affecter aussi à des œuvres humanitaires. On a préféré les consacrer à des œuvres électorales, et cela révèle tout un état d’esprit. C’est celui de la Chambre : sera-ce celui du Sénat ?