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aussi vivement au Sénat, a eu pour objet d’établir que les véritables, les seules associations cultuelles catholiques étaient celles qui seraient reconnues comme telles par les curés et par les évêques. Là est la pierre angulaire de la loi nouvelle. Il y avait, dans la Commission et dans la Chambre, nombre de personnes qui rêvaient et qui préparaient, grâce au système de la dévolution des biens, la génération plus ou moins spontanée d’Églises dissidentes, c’est-à-dire schismatiques. Elles se complaisaient dans cette espérance. S’il doit se produire des schismes, l’État assurément n’a pas qualité pour les empêcher, mais il ne l’a pas non plus pour les favoriser. Nous ne reviendrons pas sur le grand débat qui a eu lieu à ce sujet. M. Briand y a pris une part qui lui a fait honneur. Il a contribué pour beaucoup à déjouer les calculs des entrepreneurs de schismes, et a amené la Chambre à respecter le principe de l’Église catholique, qui est l’unité sous une forte hiérarchie. À partir de ce moment, on a commencé à comprendre que la majorité de la Chambre ne voulait pas pousser les choses à l’extrême.

Nous ne savons pas ce qu’elle aurait fait si le gouvernement de M. Combes avait duré davantage. M. Combes, on s’en souvient, menait la Chambre tambour battant. Il avait de plus, en ce qui concerne l’Église et l’État, des vues de théologien à rebours, très raides et très impérieuses. Que serait-il arrivé s’il avait présidé au débat sur la séparation ? Aurait-il imposé le joug de sa volonté à une majorité frémissante ? Ce joug aurait-il, au contraire, été brisé par la majorité dans un accès d’émancipation ? Nul ne peut le dire. Ce qu’on peut dire, c’est que le ministère actuel a paru se désintéresser du débat. Il en a laissé retomber le poids sur les seules épaules de M. Bienvenu-Martin qui, visiblement, n’étaient pas de force à le supporter. Quant à M. le président du Conseil, il n’assistait même pas aux décisions de la Chambre. Nous le constatons sans l’en approuver : un vrai chef de gouvernement aurait dû prendre lui-même la direction d’un débat aussi important et y engager énergiquement sa responsabilité. Mais M. Bouvier a préféré laisser faire, et il est permis de croire que le motif de son abstention est qu’au fond de l’âme, il n’est nullement partisan de la séparation. Dans ces conditions, la Chambre s’est trouvée parfaitement libre : elle a pris son inspiration en elle-même, et elle a trouvé heureusement pour réclairer un orateur comme M. Ribot et un rapporteur comme M. Briand. Grâce à eux, la loi n’est pas devenue bonne ; elle ne pouvait pas le devenir : M. Ribot l’a bien montré en volant contre elle dans le scrutin final ; mais elle a été rendue moins mauvaise, et c’est de quoi