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60 ares avec la faux ; mais le blé de 1836 était du blé maison, mélangé de seigle, et celui d’aujourd’hui est du blé pur ; mais jadis, il était, outre sa tâche, astreint à une corvée, travail non payé ou peu payé, et cet usage a disparu. La fauchaison des avoines vers 1830 coûtait de 3 fr. 25 à 5 francs l’hectare ; aujourd’hui les prix varient de 15 à 21 francs.

Nulle part la progression n’a été suivie d’un recul sérieux comme pour les fermages. Toutefois de 1882 à 1892, il y a pour les salaires proprement dits une diminution de quelques centimes, conséquence de la crise agricole plutôt que de l’emploi des machines ; mais les gages, sauf ceux des servantes de ferme, n’ont point fléchi. C’est l’application d’une loi bien connue : « Les salaires augmentent, l’intérêt servi au capitaliste prêteur ou propriétaire diminue. »

Il y aurait une autre leçon à tirer d’une étude sur les salaires : c’est que le prix du travail n’a aucune corrélation ni avec le coût de la vie, ni avec le progrès agricole, ni avec la puissance politique d’un peuple ; qu’en dépit des lois et des corporations, les prix de l’argent, de la terre, du travail, ne cessent pas d’être libres, et que les évolutions économiques demeurent indépendantes des changemens politiques ou sociaux ; jusqu’au XIXe siècle, les salaires se proportionnent au mouvement de la population et à l’étendue déterre disponible. « Notre XIXe siècle, dit M. d’Avenel, a su renouveler, au profit des travailleurs, le miracle de la multiplication des pains. Les bras et les bouches ne se déclarent pas encore satisfaits, puisque les premiers trouvent qu’ils ont trop à faire et les secondes qu’elles n’ont pas assez à manger ; mais qui donc est jamais satisfait en ce monde ? »

Salaires des manœuvres, gages des domestiques ruraux s’élèvent du XIIIe au XVe siècle ; en tenant compte du pouvoir d’achat de l’argent, la moyenne, de 1276 à 1325, est de 180 francs par an ; de 1401 à 1450 elle se hausse à 320 francs, à 342 francs de 1451 à 1475 ; alors le journalier, avec ses 3 fr. 60 par jour, et 250 journées de travail, se fait 900 francs ; le journalier de 1900 obtient un peu moins avec un labeur de 300 jours. Et les terres au XVe siècle se vendaient à vil prix. À partir du XVIe siècle, le propriétaire foncier triomphe, le salarié est vaincu, résultat de la crue de population : le laboureur de la fin du XVIe siècle n’a pour vivre que la moitié de ce qu’avait eu son aïeul cent ans auparavant ; « cette dépression des gages s’accentue en raison