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mobilières... » Le patron scelle le marché en donnant des arrhes, 3 à 5 francs, indépendans du prix convenu, et en trinquant avec ses hommes à l’auberge. Une autre étude locale consacre ces lignes à la louée dans l’Eure-et-Loir : « Les voitures arrivent de tous côtés ; dès avant midi, de longues files de Manceaux, Percherons, Normands, Bretons, portant un sac sur le dos ou des faux et des faucilles sur les bras, entrent à tout moment dans le village de Jouville qui bientôt fourmille de monde. Au milieu d’un brouhaha, d’une animation indescriptible, la louée commence... A chaque pas vous entendez : « Etes-vous à louer ? ou bien : Avez-vous besoin d’un charretier, d’un berger ? d’une servante ? d’un calvanier ? d’un faucheur ? d’un faucilleur ? — Que voulez-vous gagner pour quatre mois ? ou pour jusqu’à la septembre (8 septembre) ? — Trente pistoles. — Trente pistoles, allons donc, c’est trop. Vingt-cinq, je n’en donnerai pas plus. — J’accepte. — Voici la pièce (les arrhes). »

Avec le gage fixe, presque toujours en argent, bien des domestiques reçoivent des gratifications : le charretier touche un sou par sac, le vacher, le berger, ont une petite somme sur les vaches, veaux et moutons vendus ; le patron les autorise à user de ses chevaux pour labourer leur petit coin de terre ; en Bretagne, en Vendée, il leur donne des sabots, des chemises, parfois un costume.

Les journaliers, payés à la journée, nourris ou non, selon l’usage et les convenances personnelles, ont une habitation où ils retrouvent tous les soirs leur famille. Pour ceux qui possèdent ou louent quelques champs, les choses s’arrangent encore ; pour ceux qui ne doivent compter que sur leurs journées, la vie est assez dure : ce qui les sauve, c’est que, pour certains travaux agricoles, culture de la vigne, fauchage, moisson, binage, arrachage de betteraves, l’usage du salaire à la tâche s’est maintenu. A Cléty, Pas-de-Calais, on calcule que le gain pour les cinquante jours de moisson, s’élève à 284 francs. Dans la Charente-Inférieure, les moissonneurs se groupent par bandes de quatre ou cinq et entreprennent une moisson ; tantôt ils travaillent à prix fixe, un hectolitre de grain à l’hectare ; tantôt au levage, sur cinq hectolitres, ils en prennent un, et préfèrent ce procédé, surtout lorsque la récolte est bonne. Le patron y trouve son compte, car les moissonneurs ont tout intérêt à ne pas égrener les épis en coupant, et à ne pas laisser du grain dans la paille