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à Rome ; quelquefois, comme nous venons de le voir, par la légation anglaise, et par d’autres mains encore. Quoi qu’il en soit, Pantaleoni se hâta de répondre, le même jour, 18 octobre :


Sur le second point, en ce qui touche la possibilité de voir la Cour de Rome consentir à des conventions, bien que je sois de plus en plus convaincu qu’à la longue, la logique des faits et les nécessités religieuses y pousseront le Souverain Pontife, tout me fait croire que le temps n’est pas encore arrivé où nous puissions nous flatter qu’une proposition, si avantageuse qu’elle fût, aurait chance d’être accueillie ou admise, ne fût-ce qu’à discussion, ce qui, pour nous qui voulons être larges le plus possible, serait presque tout un avec le succès... Mais il y aurait un autre moyen plus hardi et qui, bien que, pour l’instant, il échoue à Rome, pourrait peut-être promettre une issue plus facile pour l’avenir : ce serait de faire dès à présent les plus larges offres de conciliation, nous déclarant prêts à accepter toutes les conditions qui peuvent être demandées pour assurer l’indépendance du spirituel, et montrant les grands maux qui s’abattraient sur la religion, spécialement en Italie, si Rome s’opposait à toute conciliation honnête.


Après quoi, découvrant les ressorts de cette machine à double détente, Pantaleoni suggérait :


Sûrs que nous sommes d’un refus de la part de Rome, la connaissance d’un tel acte démasquerait tout d’un trait l’hypocrisie, l’ambition et l’avarice des prélats qui se couvrent du manteau de la religion ; d’une part, elle nous gagnerait l’opinion publique des hommes honnêtes et vraiment religieux en Europe ; de l’autre, elle rejetterait sur Rome la responsabilité des maux qui en adviendraient à l’Église, et elle mettrait les Italiens dans la vraie voie par où obliger Rome à se plier à un accord[1].


Encouragé d’ailleurs par l’invitation du ministre : « Je vous prie de continuer à me prêter votre efficace concours, » et, quoiqu’il ne se fît pas, au début, d’illusions, mais, comme on dit, gardé à carreau en cas d’échec, il entreprit, avec l’approbation de Cavour, au su du consul Teccio, à l’aide du Père jésuite don Carlo Passaglia, « professeur de philosophie supérieure à l’archi-gymnase romain, » sous la bénédiction ou la protection de l’Eminentissime cardinal Santucci, une de ces extraordinaires combinazioni, que peuvent seuls comprendre en toute leur aventureuse et subtile beauté ceux qui connaissent bien Rome et les Romains ; la plus extraordinaire de toutes : le mariage du Grand Turc et de la République de Venise, l’union

  1. Risposta Pantaleoni alla lettera di Cavour, 18 octobre -1860. — L’Idea italiana. Documenti, IV, p. 161, 163.