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à étudier le Thibet, et à côté de l’initiative officielle prise par le gouvernement de l’Inde, des voyageurs européens ont aussi en ces derniers temps exploré le pays. À ces explorations ont pris part des Russes, des Hongrois, des Français, des Suédois. Mais ceux-ci, évitant les routes trop surveillées qui mènent de l’Inde à Lhassa, ont cherché à prendre, pour ainsi dire, à revers, par le nord, le plateau thibétain, et à tomber à l’improviste sur la région habitée dont Lhassa est le centre. En trois voyages successifs (de 1871 à 1885) le général Prjévalsky établit la topographie de la région du Koukounor et de toute la partie orientale du Thibet septentrional, tandis que les Anglais Carey et Dalgleisch exploraient la section du Kouen-loun central. En 1889 et 1890, une expédition russe, dite « expédition scientifique du Thibet, » sous la direction du général Pievtzof, accompagné du géologue Bogdanovitch, a parcouru l’extrémité nord du plateau thibétain et a étudié scientifiquement tout le Kouen-loun occidental. A la même époque, M. Bonvalot et le prince Henri d’Orléans accomplissaient la traversée du Thibet septentrional, la première qui ait été faite en ce sens par des Européens, par la route des pèlerins mongols, mais étaient forcés de rebrousser chemin à 90 kilomètres de Lhassa, après avoir parlementé en vain pendant cinq jours avec les représentans du gouvernement thibétain. La même année, un Américain, M. Rockill, devait s’en retourner avant même d’avoir atteint le lac Tengri-nor. Pareille mésaventure arrivait en 1894, à MM. Dutreuil de Rhins et Grenard qui, au cours de leur beau voyage en Asie, furent arrêtés au sud-est de ce lac, et l’année suivante, M. Littledale, qui avait pris cependant des précautions exceptionnelles afin d’échapper aux Thibétains, fut obligé de rebrousser chemin à 80 kilomètres de Lhassa. En 1897, l’Anglais Savage Landor essaya de rejoindre la route du nord-ouest qui vient du Cachemire. Il espérait gagner la cité mystérieuse en descendant le cours du Brahmapoutre, dont il découvrit d’ailleurs la source. Mais il fut arrêté par les Thibétains alors qu’il ne se trouvait plus qu’à cinq ou six jours à cheval de Lhassa et faillit payer son audace de sa vie. Enfin, plus récemment, M. Sven Hédin, au cours de son second voyage en Asie centrale, ne put même atteindre le Tengri-nor. Ce n’est que dans ces dix dernières années que des sujets russes, à la suite d’événemens que nous aurons à exposer, ont pu se glisser et séjourner à Lhassa.