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à l’occident de la province de Sé-Tchouen. De la sorte le pays sur lequel va s’exercer l’influence anglaise a été, pour ainsi dire, par avance circonscrit et délimité et ne comprend plus que la portion la plus occidentale des anciens États du Dalaï-lama.

I
Premières relations des Anglais avec les Thibétains. — Le Grand-Lama,
de Taschi-lumbo.

Les premières relations des Anglais avec les Thibétains remontent à la fin du xviiie siècle. La Compagnie des Indes venait à peine d’établir sa suprématie au Bengale ; elle n’avait pas encore rangé sous son autorité l’Inde Centrale et les provinces du Nord-Ouest, et déjà son attention était portée, par delà les cimes de l’Himalaya, vers le Thibet, et sa politique se trouvait mêlée aux affaires de ce pays. Un incident fortuit fut la cause qui mit dès cette époque la Compagnie des Indes et les Thibétains en contact. Après la célèbre victoire de Plassey (23 juin 1757) qui disposa du sort du Bengale en faveur des Anglais et la bataille de Buxar (23 octobre 1764) qui brisa les forces de l’empire mongol et du nabab d’Aoude, les possessions anglaises étaient devenues limitrophes au nord du petit État du Boutan, sis au pied de l’Himalaya. Le rajah de ce pays, mettant à profit l’état troublé de la province du Bengale où les Anglais avaient de la peine à faire reconnaître leur autorité par leurs nouveaux sujets, envahit la partie nord du pays et s’empara du district de Coucha-Bahar qui confinait à ses États. L’ordre rétabli et sa domination consolidée, la Compagnie des Indes voulut tirer vengeance de cette incursion, et une expédition fut dirigée contre les Boutaniens. Ceux-ci furent repoussés, Coucha-Bahar réoccupé, le Boutan à son tour envahi et Tassissoudun, sa capitale, menacée. Les troupes anglaises allaient poursuivre le cours de leurs exploits et s’emparer de tout le pays lorsqu’un événement bien inattendu vint suspendre leur marche. Le 29 mars 1774 on vit arriver à Calcutta une ambassade thibétaine qui avait mission de remettre de la part du régent du Thibet une lettre adressée à « Warren Hastings, président et gouverneur du fort Williams, au Bengale. » « Béni soit Dieu, disait le régent, de ce que l’étoile de votre fortune est à son apogée ! Je ne désire ni opprimer ni persécuter. Les principes de notre religion sont de nous priver