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dépens de leur peau ; et pourquoi n’ajouterais-je pas ? on a tous ceux qu’offense, dans nos démocraties envieuses, comme une injure à leur veston et à leur caractère laïque, le peu de prestige que conservent encore l’uniforme, l’épaulette et l’officier ? C’est en effet cette envie qui s’exprime, et nul autre sentiment, quand on revendique, du haut de la tribune ou dans les journaux, la « suprématie du pouvoir civil, » de même que, quand on parle de la « suprématie du pouvoir laïque, » on ne l’entend, au fond, si l’on y pouvait réussir, que de la destruction du sentiment religieux.

Si nous faisons ce rapprochement, c’est qu’un autre sophisme, ou un autre mensonge, non moins habituel aux pacifistes que le précédent, est de supposer, ou de feindre de croire que quiconque défend l’« institution militaire, » celui-là, s’il n’est pas pour le moins capitaine de cavalerie, n’en a de raison que l’utilité qu’il y trouve pour soutenir « l’institution religieuse, » et généralement toutes les institutions qu’on est convenu d’appeler d’ « ancien régime. » En dehors des « professionnels, » dont on ne saurait trop flétrir les bas instincts, — disent les pacifistes, — si quelques rhéteurs osent encore soutenir la guerre et, avec un Moltke ou un Joseph de Maistre, la proclament « divine, » c’est qu’ils veulent des armées ; et ces armées, ils les destinent bien, en cas de besoin, à défendre ou à étendre le territoire national ; mais ils y voient surtout un instrument de domination ou de tyrannie à l’intérieur, un moyen efficace de maintenir des abus qui leur profitent à eux-mêmes, de continuer à faire peser sur les générations nouvelles un joug dont elles ne veulent plus, une école d’obéissance passive, et l’ennemie naturelle du progrès. Mais, afin de ne pas compliquer la question, j’en néglige aujourd’hui cet aspect, et sans me soucier autrement des intentions secrètes des pacifistes, je n’en retiens que ce que je trouve dans le programme du Comité de défense des intérêts nationaux et de conciliation internationale, qui est, dès à présent, la grande œuvre du baron d’Estournelles de Constant, sénateur, ancien député, ministre plénipotentiaire, membre de la Cour de La Haye, et président fondateur du susdit Comité.

Existe-t-il’ encore aujourd’hui des nations dont on puisse dire, — comme on l’a dit de la Prusse, ou comme on l’eût pu dire