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pessimisme que nous éprouvons tour à tour. L’horizon n’est pas dégagé des nuages qui pesaient sur lui, et ce serait même une exagération de dire qu’il s’est sensiblement éclairci. Cependant on cause, et c’est quelque chose. C’est même beaucoup, si on songe qu’il y a peu de jours encore un mur de silence s’élevait entre la France et l’Allemagne : aucun échange d’idées n’avait lieu d’un pays à l’autre, et le malentendu se creusait de plus en plus sans qu’on fit rien pour combler l’abîme. Aujourd’hui on écrit, on parle, on négocie, on transige, et, quel que soit le fond des choses, tout le monde convient que la forme en est des plus courtoises. L’univers entier s’intéresse aux pourparlers engagés et les suit d’un œil attentif. Il devient plus difficile, dans ces conditions, de céder à un de ces mouvemens d’irritation et, pour ainsi dire, à une de ces surprises des sens qui peuvent avoir, en pareille matière, de si brusques et de si redoutables conséquences. La conscience même du genre humain a été mise en éveil, et il n’y a pas de meilleure garantie pour le maintien de la paix que le besoin que deux grands pays éprouvent, aussi bien l’un que l’autre, d’avoir raison devant ce tribunal suprême. On nous permettra de croire que ce sentiment travaille en notre faveur.

En Espagne, le ministère de M. Villaverde vient de tomber. Le fait était tellement prévu, et prévu à date fixe, c’est-à-dire dès le jour où les Cortès seraient réunies, qu’il n’y a eu là de surprise pour personne. La chute du ministère est due à des causes purement intérieures, aux di’isions de plus en plus profondes du parti conservateur, qui n’ont pas cessé de s’accentuer depuis la mort tragique de M. Canovas del Castillo, et à l’impatience de plus en plus grande du parti libéral qui commençait à trouver bien long son exil du pouvoir. Le Roi l’y a rappelé ; il a dû avoir ses motifs pour cela. Nous souhaitons au parti libéral représenté par M. Montero Rios plus d’union que n’en a eu le parti conservateur. Sans doute des élections nouvelles deviendront nécessaires, puisque la majorité actuelle du parlement appartient au parti conservateur, et que M. Villaverde a été renversé par la défection d’une partie de ces derniers qui se sont joints aux libéraux pour faire bloc contre lui. C’est M. Maura lui-même qui a conduit le mouvement. Le ministère libéral aura, comme toujours, la majorité qu’il voudra dans les élections ; mais nous ne sommes pas sûr que sa vie en sera rendue plus facile. Cela dépendra de lui-même et de la concorde qui régnera dans ses rangs.

Les crises intérieures qui se produisent dans les pays voisins et