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yeux, pouvait jeter du trouble dans les esprits. Peu à peu, cependant, les versions fantaisistes se sont dissipées dans leur propre invraisemblance, et l’idée maîtresse de la note de M. Rouvier a commencé à se dégager de toutes les surcharges et altérations qu’on lui avait fait subir.

Puisque cette note répondait à une autre, et que celle-ci avait eu pour objet de nous inviter à la conférence, ou de nous conseiller d’accepter rindtation qui nous en avait été faite, il était naturel de penser que le principe même de la conférence s’était trouvé en cause. On assure qu’il n’a été ni accepté ; ni repoussé par M. Rouvier, et nous sommes d’autant plus enclins à le croire que nous aurions plus de peine à comprendre qu’il se fût prononcé a priori dans un sens ou dans l’autre. Évidemment la conférence ne nous dit rien qui vaOle, et nous aurions préféré une entente directe entre le gouvernement allemand et nous sur la question du Maroc. Mais l’Allemagne se considérait comme engagée avec le gouvernement chérifien. Après l’avoir aiguillé dans la voie de la conférence, elle ne croyait pas pouvoir l’y abandonner. Devions-nous, sur ce point, nous montrer irréductibles ? Non. Quelle que soit notre opinion personnelle, il y a des sacrifices que nous sommes prêts à faire à celle de l’Allemagne ; et sur une question de procédure ce sacrifice était facile. Mais il s’agissait de savoir si c’était bien en présence d’une question de ce genre que nous nous trouvions, et si la conférence était, en effet, une procédure nouvelle suggérée par l’Allemagne, ou si elle était un instrument au moyen duquel elle poursuivait la réalisation de desseins nouveaux. Lors donc qu’on nous dit que M. Rouvier avait demandé au gouvernement allemand des explications préalables sur le programme de la conférence, et non seulement sur les questions qui y seraient agitées, mais sur les solutions qu’on se proposait de leur donner, la vraisemblance de l’information nous fait croire, cette fois, à son exactitude. Aller à la conférence sans avoir demandé et obtenu sur tous ces points des explications suffisantes, serait ajouter au danger actuel un danger plus grand encore, celui de découvrir et d’accentuer en public des dissidences qui s’aggraveraient par cela même, et que l’histoire — nous ne craignons pas de prononcer ici son nom, — nous reprocherait un jour de n’avoir même pas essayé de résoudre au préalable dans le tête-à-tête du cabinet. Il nous parait donc certain que M. Rouvier a demandé des explications. Les lui a-t-on données ? Ce qu’on sait de la réponse allemande, dont, à la vérité, on ne sait presque rien, en fait douter. Il semble que le gouvernement allemand se soit retranché derrière le fait que