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I

L’idée que la constitution des corps — et en particulier des acides, des bases et des sels — est liée à l’état électrique de leurs particules, c’est-à-dire à leur composition en ions n’est pas nouvelle en chimie. Pendant toute la première partie du siècle dernier, sous l’influence de H. Davy et de Berzélius, elle y a joué un rôle important et même excessif et abusif.

H. Davy avait tiré un très bon parti de la pile électrique ; il lui devait quelques-unes de ses plus belles découvertes, et, en particulier, celle des métaux alcalins et alcalino-terreux que l’on n’avait pas su isoler avant lui. Ses contemporains, d’autre part, se servaient beaucoup de l’électricité soit pour décomposer les corps, soit pour les reconstituer ; ils utilisaient l’eudiomètre et l’électrophore pour la synthèse de l’eau et l’analyse des gaz ; ils avaient employé, après Cavendish, l’étincelle à la synthèse des composés oxygénés de l’azote. Ils étaient préparés à voir dans l’électricité non seulement un agent, mais le principal agent des mutations chimiques. Ils allèrent jusqu’à penser que tous les composés étaient binaires et que les élémens des corps, au moment de se combiner, étaient dans des états électriques opposés, l’un chargé d’électricité positive, l’autre chargé d’électricité négative. L’attraction des électricités contraires fournissait, en effet, en dehors de la pesanteur et du magnétisme, le seul exemple connu à cette époque d’une force qui pût servir de type à l’affinité qui rapproche les corps et les combine ; et la répulsion électrique fournissait, de son côté, un bon modèle d’une force qui les écarte et les disloque. Les corps simples furent donc distingués en électro-négatifs qui étaient les métalloïdes en général, et électro-positifs, qui étaient les métaux. Le même classement était établi parmi les corps composés. Les sels, par exemple, provenaient de l’union d’une base, corps supposé électro-positif avec un acide, corps électro-négatif.

Il y avait dans ce système électro-chimique une grosse part d’erreur qui en a entraîné la chute et une petite part de vérité qui lui a permis de revivre récemment dans la théorie des ions. L’assimilation des affinités électriques aux affinités chimiques est une conception insoutenable, évidemment contredite par l’expérience. On constate, en effet, que l’oxygène, type des électro-négatifs, se combine plus facilement au soufre électro-négatif comme lui qu’à l’or qui est électro-positif. D’autre part, les groupemens tels qu’acides et bases, auxquels