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de ses canons de l’avant était masquée par l’arrière du Desaix. Le branle-bas ne put être achevé ; il fallut jeter à la mer tout ce qui encombrait les batteries. C’est dans ces conditions que la bataille s’engagea.

Je n’ai vu qu’assez imparfaitement, ainsi que cela arrive souvent aux acteurs, les péripéties de la bataille d’Algésiras, et je n’en connais guère de bonne relation : une des meilleures, à mon avis, est celle de l’historien anglais James, que l’on ne taxera pas de partialité à notre égard. Les Anglais arrivèrent sur nous sous toutes voiles ; le Cœsar de 80, portant le pavillon du contre-amiral Sommerset, venait en tête, suivi du Pompee, du Spencer, du Venerable, de l’Hannibal et de l’Audacious, de 74. La frégate la Thames avait été envoyée à l’embouchure du Guadalquivir, pour rappeler le vaisseau le Super b, qui arriva trop tard, mais qui n’en joua pas moins un rôle considérable les jours suivans.

Le combat s’engagea avec la plus grande violence ; le Pompee et l’Hannibal ouvrirent le feu entre huit heures et huit heures un quart, en manœuvrant pour passer à terre à nous., L’amiral Linois fit alors le signal de couper les câbles pour s’échouer, ce qui fut exécuté. L’Hannibal s’échoua aussi dans sa manœuvre. Il serrait à ce moment l’avant du Formidable, et ces deux vaisseaux se trouvèrent engagés presque beaupré contre beaupré, ne pouvant combattre que par la mousqueterie. Sur toute la ligne, Anglais et Français étaient fort près les uns des autres, et tous les coups portaient. Au bout d’une heure de canonnade, les batteries de San Iago et de l’Ile-Verte se turent. M. de Martinenq envoya des détachemens du Muiron pour les servir ; on trouva les canonniers espagnols cachés sous leurs affûts. Le feu de ces batteries reprit avec ardeur, et nous fut d’un grand secours, malgré les efforts des Anglais qui envoyèrent des canots pour s’en emparer.

Mon poste de combat était sur la dunette du Desaix que je ne quittai pas ; le bruit et la fumée étaient effroyables ; nous échangions des bordées à une encablure (200 mètres) avec l’Hannibal, que nous prenions par sa joue de tribord, et que nous criblâmes de boulets. Le Cœsar nous prenait « l’enfilade par l’arrière : heureusement, ce vaisseau s’échoua sur l’Ile-Verte, présentant sa poupe à la batterie de l’île, et sa hanche de bâbord à l’Indomptable. Il amena son pavillon et cessa de nous canonner. En. même temps le Pomoce était réduit par le feu du Formidable.