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SOUVENIRS
D’UN
MARIN DE LA RÉPUBLIQUE

PREMIERE PARTIE

Les notes et les souvenirs laissés par mon grand-père et que j’ai rassemblés et mis en ordre n’étaient pas destinés à sortir du cercle de l’intimité. Il était de tradition dans certaines familles de consacrer sa vie au service de la France, sans en attendre la renommée ni la fortune, et les générations se succédaient sans autre ambition que d’accroître le patrimoine d’honneur, qui se mesurait au sang versé.

J’espère en sortant de cette réserve ne pas aller contre les intentions de mon aïeul. La défaveur qui a semblé s’attacher au rôle de la marine pendant les guerres de la Révolution et de l’Empire souleva souvent ses protestations. Ce simple récit montrera quelle fut la vie des marins de cette époque, et si le dévouement dont ils ont fait preuve mérite d’être tiré de l’oubli.

Le défaut d’organisation, qui, dans cette période de vingt années, a causé tant de désastres, est malheureusement redevenu une question d’actualité. Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Maintenant comme alors, et malgré tant de belles phrases prononcées, les différends entre les peuples se vident à coups de canon ; le léopard d’Angleterre n’a pas limé ses griffes, et l’image de M. Loubet défilant à Trafalgar-square au pied de la colonne de Nelson ne rendra pas moins âpres les revendications à venir.