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et, au sortir de la séance, il envoya sa démission, ne voulant plus se retrouver avec l’Empereur. Vuitry suivit son chef de file.

« Vous le voyez, me dit Walewski en me faisant le récit que je viens de reproduire, ce que je vous ai toujours prédit se réalise. Tant que la question sera embrouillée, on pourra obtenir par surprise de l’Empereur des décisions équivoques ; quand elle sera claire et qu’il faudra se prononcer par un oui ou par un non, pour ou contre le maintien des actes du 19 janvier, il se prononcera pour. »


III

Cependant, l’article premier venait en discussion. Pinard se rendit aux Tuileries, dans la matinée du 4 février, à dix heures, prendre les instructions de l’Empereur. Elles furent de défendre l’article. A une heure, Schneider se présente à son tour : « Sire, les dispositions des députés sont telles que, si Rouher n’intervient pas personnellement en votre nom, l’article sera repoussé. » — L’Empereur, qui, maintenant, avait pris son parti et désirait un vote favorable, chargea l’Impératrice de prier Rouher de venir causer avec elle. On le trouva occupé à ses préparatifs de départ. Il se décida non sans résistance, sur le conseil de sa femme, à répondre à l’appel. L’Empereur était chez l’Impératrice. Il demande à Rouher de retirer sa démission et d’aller soutenir la loi ; Rouher se défend : ce n’est pas son avis ; il se plaint que l’Empereur écoute ses ennemis et affaiblisse son crédit ; l’Empereur s’excuse et finit par dire d’un ton de doux reproche : « Ainsi donc, vous aussi, vous voulez m’abandonner ! » À ces mots, Rouher se jette dans ses bras en pleurant, l’embrasse et reprend sa démission. Peu d’instans après, il montait à la tribune, pâle, portant sur son visage bouleversé les traces du combat qu’il venait de soutenir, et il disait à l’assemblée haletante d’attention : « Le 19 janvier a été aux yeux de quelques-uns une réalisation prématurée des espérances conçues ; je n’ai aucune difficulté à déclarer que, pour moi, il a été la réalisation inattendue des espérances qui avaient été formulées parmi vous. Nous nous sommes demandé si nous devions ou non maintenir la loi qui vous était proposée. Je n’hésite point à faire une semblable déclaration, car, de tous ceux qui ont pris part à cette