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repousser ce funeste présent, mais elle saurait gré au gouvernement de ne pas lui imposer l’approbation dont elle avait horreur ; le retrait des lois devrait être suivi d’une dissolution à brève échéance qui, faite à l’aide de candidatures énergiquement soutenues, confirmerait les résolutions du gouvernement et le débarrasserait de tous les bavardages libéraux. — Se tournant vers Persigny, il adjura les amis de l’Empereur de se réconcilier et de s’unir dans un effort commun, car la situation était grave. Persigny se leva, alla vers lui la main tendue, à la grande satisfaction de l’Empereur et de l’Impératrice. Il fit plus que soutenir la proposition de Rouher, il prononça le mot de coup d’Etat. Le président du Sénat, Troplong, fut de l’avis du retrait. Le président du Corps législatif, Schneider, ne le suivit pas : il n’avait pas cru la loi nécessaire, mais maintenant qu’elle était présentée, la retirer serait une grave faute. Pinard, conformément à son programme, appuya Schneider, et Duruy, Magne, Forcade de la Roquette, La Valette firent de même. Walewski défendit l’œuvre du 19 janvier. L’Impératrice se rangea du côté de Rouher dont elle sera désormais inséparable.

L’Empereur n’admit pas que la loi fût retirée, mais il accepta qu’avant de la faire voter, le corps électoral fût consulté par une dissolution. Il lut même une proclamation dans ce sens : « La versatilité de l’Empereur est vraiment inquiétante, écrit Vaillant. Un discours très bien fait de La Valette lui a fait abandonner son projet. Pourvu qu’il n’y revienne pas ! » L’influence de La Valette fut, en effet, décisive. S’il eût soutenu Rouher, il eût probablement entraîné l’Empereur de ce côté ; mais il avait compris quelle faute il avait commise en exécutant mal le programme du 19 janvier ; il jugeait qu’on n’arrêterait plus le mouvement libéral. Persigny avait jeté le mot de coup d’Etat, La Valette le releva disant : « Il est plus facile de parler de coup d’Etat que de le faire ; il n’est possible qu’appelé par une incitation ardente du pays, et elle n’existe pas. Il n’y a donc qu’à compléter les mesures libérales, non à les reprendre ; le retrait des lois porterait à l’Empire un coup plus fort que toutes les attaques des journaux affranchis ; on accuserait l’Empereur de versatilité ; sa parole serait discréditée. — Ces raisons convainquirent l’Empereur, qui renonça à son projet de dissolution, la grande majorité l’approuva, et il fut décidé que les lois seraient maintenues et défendues à le Chambre Roulier éclata en protestations violentes