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comme un modèle, un type de renaissance classique, fut rasé, en 1557, par le terrible duc d’Albe. Plusieurs descriptions anciennes, quelques fragmens de sculptures recueillis par le musée de Capoue, des restes assez complets de substructions, permettent, heureusement, de comprendre, en partie, l’influence que dut exercer longtemps, dans la région et au delà, une œuvre si puissante et si hardie. Un morceau de la statue du Hohenstaufen, drapé dans la toge, sans tête, ni mains, ni pieds, deux bustes de ses conseillers, Pier délie Vigue et Taddeo de Sessa (?), une tête laurée de femme, une tête couronnée d’empereur, anciennes clefs de voûte, et huit têtes ayant servi d’antéfixes, ont seuls survécu au vandalisme espagnol. Partout s’y affirme la préoccupation, plus ou moins attentive, des modèles antiques ; presque partout aussi s’y annonce, par une traduction plus ou moins lourde ou heureuse, sincère ou troublée, des réalités vivantes, la gestation anxieuse d’un art nouveau.

Quelques-unes des clefs de voûte, à Castel del Monte, offrent, avec plus de souplesse décorative et d’accent vital peut-être dus à la direction architecturale, la même mixture d’antiquité et de réalité. Quant au château, lui-même, c’est bien, de pied en cap, une œuvre française. Rien de plus hautain et dominateur que cette énorme masse octogonale, flanquée à ses angles de hautes tours en même nombre, et taillées de même à huit faces, qu’on aperçoit, de très loin, en plein ciel, fière et seule, plantée sur sa cime, comme un vautour au repos. Malgré les canonnades de Lautrec, malgré les ravages de la pluie, des vents, des pillards nomades, durant un abandon complet de plusieurs siècles, le solide monument du César n’a rien perdu de sa grandeur. Le travail en avait été mené avec un soin admirable. « Tout, dit M. Venturi, tout y est exécuté en pierre très fine et brillante, et taillée si nette que le ciseau semble n’avoir trouvé aucune résistance en aiguisant les arêtes. Tout s’y coordonne avec une rigueur mathématique, tout s’y trouve à sa place, à son ordre, à son rang, comme dans un produit naturel. Il semble que sur cette colline, les pierres, comme par enchantement, aient acquis, par la volonté de Frédéric II, les qualités du quartz et soient devenues des cristaux parfaits. » L’intérieur devait être aussi somptueux et attrayant que l’extérieur était majestueux et menaçant. Dans la grande cour, bruissait, comme dans le patio d’un palais sicilien, la vasque débordante d’une fontaine alimentée