Déjà, pourtant, durant la minorité de Frédéric, une autre influence, plus lointaine et plus durable, celle du nouvel art du Nord, fondé sur le principe ogival, avait commencé sa marche. Par les Bénédictins de Cluny, puis par ceux de Cîteaux, collaborateurs des princes normands, le système français était déjà pratiqué dans l’architecture. A Troja, le chœur de la cathédrale sur plan carré, voûté d’ogives, rappelle celui de Fossanuova ; à Barletta, les nefs de la cathédrale sont celles de Saint-Germain-des-Prés ; à Ruvo, les deux roses se réfèrent à la cathédrale de Lyon ; le campanile de Monte Sant’Angelo est de style français ; en Basilicate même, en Terre d’Otrante, en Calabre, comme dans les États Romains, au même moment, on trouve des réminiscences ou copies de Bourgogne et de Champagne. M. Bertaux, sur ce point, a fort heureusement complété les constatations dues à la perspicacité initiale de M. Enlart, et reconnu, dans nombre d’édifices, l’intervention des Clunisiens, qui, « ne cherchant la beauté que dans la simplicité et la solidité, » impriment ici, comme en Angleterre, en Allemagne, en Scandinavie, en Espagne, en Portugal, à leurs monastères, cloîtres, églises, leur aspect uniforme, droit, sévère, « comme un habit monastique de bure grise. »
Dans la même région, à son retour d’Allemagne, en 1220, et jusqu’au transport de sa résidence à Capoue, Frédéric II semble avoir porté tout son intérêt sur l’architecture militaire et civile. Etait-il, lui-même, comme le croit F. Lenormant, un maître en architecture ? Est-ce lui qui a fourni parfois des plans et dessins à ses maîtres d’œuvres, comme devait plus tard le faire, dit-on, notre Charles V ? Dans cet arc majestueux, soutenu par deux aigles, seul débris de son palais de Foggia, qui a fait longuement rêver M. Paul Bourget, faut-il voir « le style et la manière de l’Empereur ? » La chose certaine, c’est qu’en quelques années, les côtes de l’Adriatique, la Basilicate, la Terre de Bari, la Capitanate se hérissent d’ouvrages stratégiques et de palais de plaisance dont on peut rétablir la longue liste. Les enceintes de Lucera, la ville caserne de la garde impériale musulmane, les forteresses de Trani, Bisceglie, Bari, Brindisi, Foggia, Orta, Gioja, attestent la valeur des ingénieurs qui les construisirent dans le style traditionnel. La dernière seule, celle de Gioja, offre quelques détails germaniques. Il n’en est pas de même pour les résidences favorites du chasseur passionné, l’auteur du Traité de la Fauconnerie.