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croyances et de toutes races, ne put guère exercer d’action personnelle sur les artistes de son royaume, surtout ceux du continent. Les arts, florissans déjà, y continuaient simplement l’évolution commencée. Sur la côte napolitaine domine l’imitation des ouvrages siculo-normands, mélanges décoratifs et séduisans de solidité française et de sensualité orientale, dans ces alliances de marbres sculptés et de mosaïque et marqueteries colorées dont les artistes siciliens ou sarrasins, sous Roger et les deux Guillaume, avaient multiplié les beaux modèles. Les cathédrales de Sessa, Caserta Vecchia, Capoue, Calvi, Ravello, des églises à Ferentone, Gaëte, etc., conservent des ambons et des candélabres où le luxe des revêtemens colorés s’associe aux combinaisons les plus heureuses du rythme plastique, aussi ferme qu’élégant dans les masses, les silhouettes et reliefs de l’édicule. On y peut admirer une étonnante série de variations délicieuses sur des motifs en apparence bien monotones. La suite de ces monumens, étudiés dans l’ordre topographique, démontre une ascension rapide du goût oriental, par San Vittore de Lazio, Amaceno, etc., jusqu’aux frontières pontificales, où il pénètre par Terracina, pour devenir à Rome, entre les mains de ces beaux marmorarii si justement aussi remis en lumière par M. Clausse, le point de départ d’une production abondante et exquise de tombeaux, chaires, pavemens bien particuliers. Cet art siculo-normand, essentiellement décoratif, ne laisse pas non plus d’agir, au moins pour l’allégement des formes, l’agrément des détails, la multiplicité des matières, l’éclat des colorations, sur les œuvres d’architecture, si fidèles qu’en puissent demeurer aux types consacrés les plans et dispositions générales. Voici, par exemple, les arcs brisés et entrelacés, si flexibles et si souples, les arcs de Normandie, fréquens dès lors dans toutes les colonies normandes, en Angleterre comme en Sicile, avant de pénétrer pour s’y mieux épanouir dans les colonies arabes, à Tolède et Séville. C’est à Salerne et Amalfi qu’ils font, d’abord, leur apparition en terre ferme. Quant aux incrustations polychromes, l’usage en était déjà répandu, sans doute, dans les pays germanisés par les Goths ou les Lombards, en souvenir des orfèvreries barbares, et dans les pays volcaniques, à cause des matières mêmes offertes par le sol ; mais le contact des magnificences orientales en développe aussi rapidement la mode. Toute une série de campaniles, depuis celui de Civita-Vecchia (1234) jusqu’à, ceux