Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 28.djvu/116

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

byzantines ? On voudrait le penser. Malheureusement ce bel élan ne dure pas. Après Didier, sous son successeur Oderigius, un manuscrit conservé à Paris (bibliothèque Mazarine, n° 3 640), avec moins d’originalité, garde encore quelque chose des vives allures de Byzance. Puis, plus rien, que du décor. « Aucun des manuscrits enluminés au Mont-Cassin entre la mort d’Oderigius et la conquête angevine, n’offre une seule figurine. » N’est-ce pas là une dénonciation presque certaine d’artistes étrangers et passagers illustrant les deux manuscrits ?


IV

C’est en 1066 que les seigneurs normands, commandés par leur roi Guillaume, débarquèrent en Grande-Bretagne, pour y faire souche durable de dynastie et d’aristocratie anglo-françaises. Il y avait déjà un demi-siècle que d’autres Normands, simples chevaliers, pèlerins armés en quête d’aventures, avaient trouvé la route de la séduisante Italie méridionale et qu’à leur suite s’y précipitaient, par bandes, tous leurs compatriotes, jeunes et vaillans, impatiens d’action et avides de « gaigner. » Robustes et hardis, rusés et loquaces, ces entrepreneurs d’héroïsme, prêts à servir les plus offrans. Italiens, Grecs ou Sarrasins, sauf à dépouiller leurs patrons en réglant les comptes, et à prendre leur place, avaient débarqué en 1006 à Salerne. Installés à Aversa dès 1028, puis à Melfi, ils se partageaient déjà, en 1043, la Pouille, dépecée en douze comtés. Seize ans après, le plus audacieux des onze fils de proie envolés du manoir de Hauteville, Robert Guiscard (wiscart, l’Avisé), se faisait, de gré ou de force, reconnaître par le Pape, comme duc de Pouille et de Calabre, en attendant qu’il donnât la Sicile à son frère Roger, s’emparât pour son compte de toutes les dernières possessions byzantines, saccageât Rome, au nom de Grégoire VII, pour en expulser les Allemands, puis allât tomber à Céphalonie en attaquant l’Empire d’Orient qu’il s’était fait adjuger. La domination de sa famille devait durer jusqu’à l’avènement de Frédéric II, empereur d’Allemagne, héritier par sa mère du dernier roi normand (1198).

Quelle sorte d’action cette dynastie septentrionale, rapidement assimilée d’ailleurs à ce milieu cosmopolite, exerça-t-elle, sur le mouvement des arts, durant deux siècles ? De loin, avant