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et la beauté de la cité monastique où s’élèvent l’église Saint-Barthélémy, la basilique de Saint-Martin, l’église Saint-André qu’achèvera son successeur Oderisius. Par lui, le Mont-Cassin, peuplé de lettrés, d’artistes, d’ouvriers de tout pays, devient une grande école d’art, plus active et plus féconde que les écoles de Saint-Gall et d’Hildesheim, ses aînées dans le Nord.

Tous ces édifices ont été rebâtis ou modernisés aux XVIe et XVIIe siècles. Quelques vestiges attestent la véracité des chroniqueurs et justifient leur enthousiasme pour le grand abbé. Didier fut, en effet, dans les questions d’art, mieux qu’un protecteur intelligent, mieux qu’un initiateur hardi et prévoyant. Si, comme tant d’autres moines, il ne fut pas lui-même artiste pratiquant (ce que nous ignorons), en tout cas, dans son entreprise, il paya beaucoup de sa personne. Comme Charlemagne, comme Suger, comme Charles V, comme Cosme de Médicis, comme tous les promoteurs de vraies renaissances, il est, à la fois, passionné pour les lettres et pour les arts, grand bâtisseur et grand bibliophile, judicieux admirateur du passé, afin d’être utile préparateur de l’avenir. C’est dire qu’il est aussi, ardemment et généreusement, fort éclectique. Les beaux ouvrages de bronze ne se fondaient plus alors que dans les ateliers byzantins ! Didier va voir les portes d’Amalfi, récemment importées, et commande aussitôt à Constantinople celles de sa future basilique. C’est à Rome, vaste amoncellement de ruines antiques, que gisent les plus beaux matériaux en marbre sculpté, d’un usage si utile dans les constructions nouvelles ! Il se rend lui-même à Rome pour en faire le choix et l’expédition. C’est en Campanie et en Lombardie qu’on trouve les meilleurs maçons ! Il en fait venir par escouades, d’Amalfi et de Côme. Pour les décorations intérieures, n’est-on pas obligé d’avoir recours à l’Orient, puisque les malheurs des temps ont anéanti, en Italie, les bonnes traditions techniques ? Il envoie chercher à Constantinople des tentures, des vêtemens sacerdotaux, du mobilier, des orfèvreries. C’est à Constantinople encore qu’il embauchera des mosaïstes, des marqueteurs, des miniaturistes, non seulement pour orner ses constructions et enrichir sa basilique, mais pour les installer dans le couvent, pour qu’ils y tiennent ateliers et écoles où la jeunesse, monacale et laïque, viendra s’instruire. Si nous en croyons même l’Ystoire de li Normant, il ne se fit nul scrupule de s’adresser à l’Égypte, musulmane : « Pour ce qu’il non trova