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contrée, celle dont Herculanum et Pompéi nous ont conservé les séductions, y sont, naturellement, plus vives encore qu’à Rome. De plus, l’imagination hellénique, épurée et rafraîchie par la simplicité douce des paraboles et des allégories évangéliques, y reparaît, tout à coup. C’est un fragment de scène empruntée au Pasteur, la poétique vision d’Hermas : les Vertus construisant la Tour de l’Eglise. Preuve inattendue et charmante de l’influence exercée, d’abord, par les rêveries édifiantes du pieux évêque, si conformes à l’esprit du divin maître, si claires aussi, harmonieuses, plastiques et colorées, comme les rêveries attiques, celles de Platon, qui appellent et invitent, à la fois, le pinceau du peintre et l’ébauchoir du sculpteur. Parmi les belles Vertus qui travaillent à la forteresse de la Foi, l’une des plus actives est la Gaîté, Alacritas, comme parmi les Vices qu’Hermas interdit expressément aux Chrétiens, se trouvera la Tristesse. Mais, hélas ! à cette heure même où dans ses promenades à travers l’agro romano, Hermas voyait apparaître, pour la joie des croyans, tant d’allégories consolantes, un autre visionnaire, plus passionné et plus original, créait un autre monde surnaturel, d’aspect bien divers, qui allait agir, plus puissamment encore, en sens inverse, sur l’imagination chrétienne, pour la bouleverser et l’assombrir. En cette même année 70, l’apôtre bien-aimé, le vieux saint Jean l’Evangéliste, échappé par miracle à l’incendie de Rome et aux bourreaux de Néron, encore tout sanglant et mutilé, tremblant d’effroi et de haine, s’était réfugié dans l’île de Pathmos. De là, comme d’une tribune, le vieil athlète, exaspéré et désespéré, lançait, à travers le monde, ses imprécations retentissantes contre Rome, la Grande Prostituée ; il annonçait, en même temps, la vengeance prochaine, l’avènement de la justice implacable et proclamée dans la solennité majestueuse d’un dernier acte de divine tragédie. La sublimité grandiose et formidable des hallucinations dramatiques de l’Apocalypse, où toute la violence implacable du monothéisme sémitique s’affirme en de confuses réminiscences des idolâtries égyptiennes, assyriennes, persanes, éclatait, sans doute, en images merveilleuses, mais trop compliquées et gigantesques, pour que l’œil clair de l’artiste les pût nettement saisir et réduire en concepts réalisables. Ce sera, pourtant, l’Apocalypse, l’hallucination orientale, qui, durant tout le cours des invasions et dominations barbares, parmi l’incessant effroi des