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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



14 juin.


La quinzaine qui vient de finir a été chargée et surchargée d’événemens. Nous voudrions commencer par le plus heureux de tous, c’est-à-dire par le voyage du roi d’Espagne à Paris, et lui donner la première place ; l’ordre chronologique nous y inviterait, sans parler d’autres motifs ; mais la démission de M. Delcassé, les circonstances qui l’ont préparée et accompagnée, enfin les préoccupations qu’elle a fait naître et qui ne sont pas encore dissipées, s’imposent à notre attention avec tant de force que nous devons lui donner aujourd’hui la première place. Il y a quelques semaines encore, M. Delcassé semblait être dans une situation très forte : elle était pourtant déjà profondément, quoique silencieusement, minée. L’irritation de plus en plus vive que causait à l’Allemagne la politique de M. le ministre des Affaires étrangères devenait un danger de plus, en plus inquiétant. Sur ces entrefaites, se sont produits deux faits qui devaient avoir une répercussion immédiate sur la situation : à savoir la bataille de Tsou-Shima dans le détroit de Corée et la réponse du sultan du Maroc aux propositions que nous lui avions faites. Toutes les fois que M. Delcassé est monté à la tribune, aussi bien après les échecs militaires de la Russie qu’avant, il a parlé de l’alliance russe comme de la pierre angulaire de sa politique. Il avait raison de le faire, car cette politique ne pouvait se soutenir jusqu’au bout que si la Russie n’était pas trop sensiblement diminuée. Notre alliance avec elle était pour notre sécurité une garantie qui, pendant une douzaine d’années, s’est révélée très efficace, et qui a donné, pendant ce laps de temps, de l’indépendance à notre politique. Mais après Moukden et Tsou-Shima