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ignorans comme des brutes, et qu’elle-même, par leur faute, avait presque perdu la santé après un accouchement. » De telle sorte que, dans les premiers jours de juillet, le terme de la grossesse étant proche, et l’état de la malade s’étant d’ailleurs sensiblement amélioré, le colonel Stewart et sa femme, malgré leur extrême indigence, résolurent d’aller à Paris. Ils laissaient à Reims leurs domestiques, et la plus grande partie de leur bagage, avec la promesse de revenir le plus vite possible.

A Paris, ils descendirent d’abord dans un hôtel que leur avait recommandé un syndic de Reims, l’hôtel de Châlons, au faubourg Saint-Germain ; mais ils n’y restèrent que quelques jours, la chambre qu’on leur avait donnée étant inhabitable. Ils allèrent ensuite demeurer chez une certaine Mme Lebrun, sans doute une sage-femme ; et c’est là que, dans la nuit du 10 au 11 juillet, avec l’aide d’un médecin nommé Delamarre, lady Jean accoucha de deux garçons jumeaux. Quelques jours après, sa femme de chambre, qui seule avait accompagné sa maîtresse à Paris, écrivait aux autres domestiques restés à Reims, que « les deux enfans étaient de vrais amours, mais que le plus jeune était si petit et si faible que le médecin avait ordonné qu’il fût envoyé en nourrice, à la campagne, sans perdre un moment. »

Un mois après environ, lady Jean et son mari revinrent à Reims avec l’aîné de leurs deux enfans. Ils le firent baptiser solennellement, par un prêtre catholique, à l’église Saint-Jacques ; il eut pour parrain et pour marraine, par procuration, deux grands personnages écossais lord Crawford et lady Lothian, qui étaient restés tout dévoués à la mère. Et ce fut encore lord Crawford qui se chargea d’annoncer au duc de Douglas la naissance de ses deux neveux : à quoi le duc ne manqua point de répondre qu’il tenait toute cette histoire de grossesse pour une supercherie, et que, si sa sœur s’avisait de nouveau de s’adresser à lui, il lui ôterait jusqu’aux quelques centaines de livres qu’il lui avait laissé toucher jusqu’alors. Les Stewart, littéralement, n’avaient plus de quoi manger à leur faim. Ils durent abréger leur séjour à Reims, reprendre au plus vite l’enfant qu’ils avaient envoyé en nourrice, et repartir pour l’Angleterre, où des amis leur promettaient de s’occuper d’eux.


Leurs amis obtinrent en effet pour lady Jean, en août 1750, une petite pension royale de trois cents livres : Et nous savons, par de nombreux témoignages, qu’il n’y eut personne à Londres qui ne s’émût de