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parages, ils finissent par connaître très bien les roches isolées, soit qu’elles déchirent leurs filets et qu’à cause de cela, ils aient intérêt à les éviter s’ils chalutent, soit au contraire qu’ils les recherchent pour leurs casiers à homards. Beautemps-Beaupré les utilisait beaucoup ; ses successeurs font de même ; mais il faut savoir les faire causer, débrouiller, au milieu du fatras de choses inutiles qu’ils vous racontent, les quelques renseignemens précieux qui peuvent vous mettre sur une bonne piste. Depuis quelques années, la marine leur donne des primes pour toutes les roches nouvelles qu’ils signalent ; seulement, comme ils n’usent pas de cartes et qu’ils ne savent pas les lire, ils ignorent quelles sont celles qui n’y figurent pas, et ce n’est qu’en causant longuement avec eux qu’on arrive, parfois, à le savoir.


IV

Les accidens récens survenus sur les côtes de l’Indo-Chine à quelques-unes de nos plus belles unités navales montrent que la réfection de notre hydrographie ne doit pas se borner aux côtes de France, mais qu’elle doit s’étendre à notre domaine colonial dont plusieurs parties ont été, comme nous l’avons dit, un peu hâtivement et insuffisamment levées.

Malheureusement le nombre des ingénieurs hydrographes est beaucoup trop restreint pour suffire à une tâche pareille ; le corps, créé uniquement en vue de la reconnaissance des côtes de France, n’a jamais été augmenté depuis ; il a même été plutôt diminué ; il ne comprend actuellement que quinze ingénieurs. Ce sont ces quinze ingénieurs qui doivent faire face, non seulement aux travaux de réfection des côtes de France qui n’avancent que très lentement parce qu’on ne peut y consacrer plus de trois ou quatre ingénieurs par an, mais aux travaux coloniaux qui les sollicitent de plusieurs côtés : Indo-Chine, Madagascar, peut-être bientôt le Maroc. Ils y suffisent d’autant moins qu’il y a aussi les travaux de rédaction et les services intérieurs à assurer. Ce n’est pas tout en effet que de lever une carte, il faut ensuite la dresser ou la construire avec les matériaux recueillis sur le terrain. Ce travail de construction est très long, très minutieux et doit être exécuté, ou tout au moins surveillé, par les ingénieurs qui ont pris part au levé, et qui, de ce fait, sont immobilisés pour une période de temps à peu près