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si on ne la voit pas, il est impossible d’en constater l’existence. Et c’est ainsi que l’on apprend un jour avec étonnement que, dans des chenaux très fréquentés, où des centaines de navires sont passés précédemment, un navire moins heureux a trouvé une roche, comme l’on dit, avec sa quille.

On a essayé de bien des moyens pour arriver à trouver sûrement les roches sous l’eau. Un des plus anciens consiste à draguer le chenal que l’on veut reconnaître, en immergeant derrière le bateau-sondeur une pièce de bois ou espars, lesté de manière à reposer sur le fond et remorqué avec une touée suffisante. Mais si le remorquage se fait trop vite ou par à-coups, l’espars peut sauter par-dessus les roches. En outre, la largeur ainsi draguée ne peut dépasser une vingtaine de mètres, ce qui est insuffisant pour assurer la sécurité d’une passe, un grand navire ne pouvant gouverner à vingt mètres près. M. Renaud a perfectionné ce procédé en substituant à l’espars en bois, — ou à la barre d’acier par laquelle on le remplace quelquefois, — un assemblage de bouées et de grappins, reliés entre eux par des entremises en filin, qu’on laisse dériver au courant ; l’espace dragué peut atteindre ainsi une largeur d’une centaine de mètres, ce qui est suffisant. Mais cet appareil, qui a donné en certains endroits d’excellens résultats, ne peut être utilisé que dans des régions à courans réguliers et pas trop violens.

On a songé à utiliser les ballons. On sait en effet depuis longtemps que, plus on s’élève au-dessus de l’eau, plus le fond apparaît avec netteté. A une certaine hauteur, la couche d’eau interposée semble disparaître, et le fond ressort comme sur un plan en relief. Cette particularité est connue depuis longtemps des marins ; du haut d’une falaise, d’un phare, on aperçoit très nettement les dangers voisins. Les anciens navigateurs avaient toujours soin de faire monter les vigies au haut des mâts pour surveiller la route à parcourir ; et même maintenant, dans les pays à coraux, on ne gouverne pas autrement dans les passes.

On fit des essais sur l’emploi des ballons en hydrographie au parc aérostatique de la marine à Lagoubran. Le lieutenant de vaisseau Baudic, chargé de ce parc, obtint des résultats satisfaisans aux environs de Toulon, et l’on songeait à employer le ballon pour achever la reconnaissance des abords de Brest en 1902 quand la mort tragique de ce malheureux officier, en désorganisant le service aérostatique de la marine, força à renoncer,