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distinguer les récifs. Enfin on attendait le pilote avant de s’engager dans les passes.

Le pilote jouait alors un rôle essentiel dans la navigation. Quand le capitaine n’avait pas acquis par lui-même, à force de Voyager, la pratique de certains ports, seul le pilote était en état de conduire le navire dans les passes et jusqu’au mouillage.

Dès qu’il avait mis le pied à bord, sa présence suffisait, — et suffit encore aujourd’hui, — pour décharger le capitaine de toute responsabilité relativement à la conduite du navire. De là ces règlemens minutieux, disons même tyranniques, ces privilèges quelque peu excessifs[1] qui avaient leur raison d’être autrefois, qui ne l’ont plus aujourd’hui, mais se sont maintenus cependant à travers toutes les transformations de notre état social, comme tant d’autres institutions maritimes échappées, elles aussi, à la rage de destruction de notre époque, grâce, sans doute, à l’indifférence de la masse du public pour les choses et les gens de mer.

La grande impulsion que les Cassini donnèrent en France aux travaux cartographiques ne se fit guère sentir en hydrographie[2]. Cependant, dans le courant du XVIIIe siècle parurent quelques cartes de nos côtes levées par Magin. Elles contenaient peu de sondes. Seuls les bancs et les dangers les plus importans y étaient marqués approximativement ; on manquait en effet de procédé pour les placer avec précision sur les cartes.

C’est que les méthodes qui étaient dès lors — et qui sont restées — en usage pour l’établissement des cartes terrestres ne peuvent s’appliquer aux cartes marines. Les levés à la planchette, les méthodes de cheminement et d’arpentage qui, par leur caractère élémentaire, peuvent être mis à la portée des simples géomètres sont inutilisables à la mer.

L’usage des cartes marines diffère aussi radicalement de celui

  1. Même sur les navires de l’État, qui ont tous à bord des pilotes militaires admirablement formés dans une école spéciale, même sur les navires hydrographes, on est obligé de prendre ou de payer les pilotes locaux. Et un navire de guerre ne peut entrer à Brest ou à Lorient sans l’assistance, fictive le plus souvent, d’un pilote civil. Les pilotes locaux forment dans chaque port, sous le patronage de l’État, de véritables corporations, très jalouses de leurs droits et où l’on n’entre qu’après des examens de pratique analogues aux anciens examens de maîtrises.
  2. On appelait autrefois hydrographie tout ce qui concernait la science ou : l’art de la navigation, spécialement l’astronomie nautique. Ce sens ne s’est conservé que dans la dénomination d’écoles et de professeurs d’hydrographie destinés à former des capitaines de la marine marchande. Autrement, le nom d’hydrographie ne s’applique plus qu’au levé des cartes marines et à tout ce qui s’y rattache.