Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 27.djvu/91

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’émotion dut être grande à Rome le lendemain, quand on apprit son départ. Depuis quelques jours, la ville était en train de changer d’aspect. Les précautions prises par le consul, et qu’il se gardait bien de dissimuler, avaient tout d’un coup révélé le danger. Des jouissances d’une longue paix, on se trouvait brusquement jeté dans les terreurs d’une guerre civile. Tout le monde était inquiet, agité. « Les femmes surtout, pour qui, en raison de la puissance de la république, les craintes de la guerre étaient chose inconnue, se livraient à une douleur bruyante ; elles tendaient les mains au ciel, s’apitoyaient sur leurs enfans, pressaient les passans de questions et s’effrayaient de tout : » Quand on vit Catilina sortir de Rome, personne ne douta plus que les hostilités allaient commencer.

Cicéron en doutait moins que tous les autres. Aussi s’empressa-t-il de prendre les mesures les plus urgentes pour mettre la ville à l’abri d’un coup de main. Avec les hommes dont il disposait, quoiqu’ils fussent peu nombreux, il croyait pouvoir répondre de la sûreté des rues. Il recommanda plus que jamais aux citoyens de veiller à la défense de leurs maisons. Dès la première heure, les colonies, les municipes de l’Italie furent prévenus de fermer leurs portes et de se tenir sur leurs gardes. Ce n’était pas assez ; pour avoir raison de Catilina, il fallait songer à réunir des forces sérieuses. Par un hasard heureux, il y avait aux portes de Rome deux généraux, Q. Marcius Rex et Q. Metellus Creticus, qui demandaient les honneurs du triomphe, auxquels ils avaient droit, et qu’on leur contestait. En attendant qu’on les leur accordât, ils avaient gardé quelques troupes, selon l’usage, pour accompagner leur char triomphal, quand on leur permettrait de monter au Capitole. On usa sans retard de ces soldats qu’on avait sous la main : Metellus fut envoyé dans l’Apulie, où les esclaves remuaient, Marcius Rex à Fæsulæ, et même ce dernier, qui était parti avant la séance du 7 novembre, parvint à y devancer l’arrivée de Catilina. En même temps, on ordonna des levées autour de Rome, et on décida d’en former une armée, qui serait placée sous le commandement de l’autre consul, Antoine. Les deux préteurs, Q. Pompeius Rufus et Q. Metellus Geler, furent envoyés en toute hâte, l’un à Gapoue, l’autre dans le Picenum, au pied de l’Apennin. Là, se trouvaient trois légions qui probablement surveillaient les mouvemens des Gaulois (legiones galli-canæ). Metellus reçut l’ordre de les compléter et d’empêcher