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JULIE DE LESPINASSE[1]

LE SALON DE LA RUE SAINT-DOMINIQUE


I

Il est permis de soupçonner une vague intention de défi, ou tout au moins quelque malice, dans le choix du logis où Mlle de Lespinasse, au lendemain de sa brouille avec la marquise du Deffand, fixa le siège de sa célébrité naissante et, comme dit un contemporain, « ouvrit boutique de bel esprit. » À cent mètres à peine du monastère de Saint-Joseph, dans la même rue Saint-Dominique, se trouvait une petite maison qui faisait face au couvent de Bellechasse, au coin de la rue du même nom ; le sieur Messager, « maître menuisier à Paris, » en était le propriétaire. C’est là que s’installa Julie, porte à porte, pour ainsi dire, avec son ancienne protectrice. Elle y loua le second et le troisième étage, moyennant un loyer de 950 livres, plus « quarante-deux livres dix sols pour contribution aux gages du portier. » La somme, sans être énorme, ne laissait pas de grever son budget d’une assez lourde charge. L’inventaire de la succession de Mlle de Lespinasse[2]et les documens inédits que j’ai eus sous les yeux[3]fournissent, en effet, des données très précises sur l’étendue de ses ressources. À l’époque où nous sommes, elle jouissait, outre la modeste pension léguée par la comtesse d’Albon, d’une

  1. Voyez la Revue des 1er et 15 avril.
  2. Pièces publiées par M. Eugène Asse à la suite de sa brochure : Mlle de Lespinasse et Mme du Deffand, et par M. Charles Henry en appendice des Lettres inédites de Mlle de Lespinasse.
  3. Dossier communiqué par M. Gaston Boissier.