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POÉSIE.

Et me troublaient de leurs regards mystérieux ;
Et tous, dames guindant leur maintien gracieux,
Gentilshommes figés dans un geste de gloire,
Ils surgissaient du fond ténébreux de l’histoire.

Voici tout d’abord, peints par Clouet ou Perbus,
Les ancêtres, mignons frisés, ligueurs barbus,
Raides dans leurs pourpoints, engoncés dans leur fraise ;
Puis, non loin d’un jeune homme au feutre Louis treize,
Un froid vieillard au front austère et monacal,
Qui sans doute a souffert du tourment de Pascal,
— Grave portrait signé : « Philippe de Champaigne. » —
Puis, très pompeux, voici les hommes du grand règne.
Près d’un prélat drapé dans un goût somptueux,
Une énorme perruque aux replis tortueux
Inonde l’habit rouge et le bout de cuirasse
D’un maréchal de camp au nez de grande race,
Tout triomphant encor des conquêtes du Roi.
Puis c’est un élégant vainqueur de Fontenoy,
D’autres, d’autres encore, — enfin, dans un grand cadre,
Jeune, poudré de frais, charmant, un chef d’escadre
Qui, pour le branle-bas ayant fort galamment,
Dans son jabot, piqué son plus beau diamant,
Debout sur son château d’arrière, sourit d’aise
Aux flammes des canons d’une frégate anglaise.

À côté d’eux, voici les femmes d’autrefois.

Cette rousse aux yeux verts, sous les derniers Valois,
Offrit, dans le drap d’or, sa superbe poitrine
Près de la reine en deuil, la vieille Catherine.
Pour cette brune aux nœuds de rubans satinés,
Malgré l’édit sur les duels, les raffinés
Se sont poussé leurs plus subtiles estocades.
Au temps du Mazarin, parmi les barricades,
Paris a salué d’un vivat triomphal
Cette blonde frondeuse en habit de cheval ;
Et la robuste dame à la robe étoffée,
Portant la gorge haute et lourdement, coiffée