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POÉSIE

CHÂTEAU À VENDRE



Sur la route déserte où le pavé du roi,
Usé, cassé, disjoint par le poids du charroi,
Étend vers l’horizon sa ligne monotone,
Je cheminais, pensif, un soir de fin d’automne.
Le vent d’ouest tourmentant les lourds nuages gris
Gémissait. Des tilleuls par octobre flétris,
Déjà son souffle avait arraché la dépouille
Et chassait devant moi ces tourbillons de rouille.
On ne fréquente plus ce chemin déclassé,
Mais cette solitude évoque le passé
Et fait rêver de temps enfui, d’ancienne France.
Ces grands arbres ont vu passer la diligence.
Les plus vieux des corbeaux planant sur les sillons
S’effarèrent aux coups de fouet des postillons.
L’écho, sourd aujourd’hui, des prochaines collines
Répéta le fracas du galop des berlines,
Et l’antique chaussée où poussent des pavots
A fait jaillir du feu sous le fer des chevaux.