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leur chapeau informe porte parfois une plume lavée par la pluie. Elles tendent gauchement leurs fleurs mal arrangées, sans un mot, sans un sourire. Il y en a de belles. Celle qui me vend ses roses jaunes à demi fanées a des grappes épaisses et luisantes de cheveux noirs, bizarrement ramenées de chaque côté du front et de grands yeux bleu de mer ; mais l’espèce des jolies filles du peuple, agaçantes et coquettes, n’existe pas à Londres. Timide ou grossière la coster girl n’a pas le geste engageant ; elle ne s’entend ni à parer sa marchandise, ni à l’offrir avec gentillesse. En lui achetant son affreux bouquet serré comme une botte de légumes, je ne voulais que regarder celle-ci de près. J’ai entendu de plus l’accent nasal et perçant de sa voix ; cela me suffit.

En route maintenant ! Le train est bondé, un temps radieux attirant la foule sur les plages en vogue du Sussex. Je n’en suis plus à m’étonner que tant de gens élégans montent en troisième classe. C’est reçu ; la vanité n’a rien à voir ici dans les modes de transport et il y a beaucoup moins de différence qu’ailleurs entre les wagons, tous suffisamment confortables. Riches ou pauvres, les voyageurs ont leurs aises.

Le trajet, de deux heures environ, s’effectue sur un chemin charmant, sauf les tunnels qui se succèdent en sa première partie. Quelques ruines de vieux châteaux donnent de l’accent au paysage. De distance en distance, s’arrondissent sur la d’une de grosses tours qui sont autant de forts. Sans se montrer encore, la mer se laisse deviner très proche. On descend rapidement vers elle et bientôt je la vois, bleue et scintillante sous le soleil d’août. Chaque station est maintenant une plage plus ou moins à la mode. Des jeunes gens en costumes de golf et de tennis, des jeunes filles hâlées viennent à la rencontre du train ; beaucoup de bicyclettes.

Saint-Léonard et Hastings reliés l’un à l’autre par une longue esplanade, ne font qu’une seule et même ville, mais en deux parties très distinctes : la première, dont la réputation, celle de posséder les plus beaux bains et le plus doux climat de l’Angleterre, ne commença qu’à la fin du XVIIIe siècle ; la seconde gardant sa physionomie de vieux port historique antérieur à Guillaume le Conquérant. Il y a une centaine d’années, Hastings était encore un repaire de contrebandiers. Quelques-unes des meilleures familles locales descendent de ces braves bandits.

Une amie m’attend, Mathilde Betham Edwards, la