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considéré comme un grand succès pour la Duchesse de Bourgogne. Ce fut elle qui se chargea de composer la maison de la future Duchesse de Berry. Elle obtint, non sans peine, de la duchesse de Saint-Simon, qui lui était toute dévouée, qu’elle acceptât la place de dame d’honneur. Elle fit écarter, comme dame d’atours, Mme de Caylus, d’accord avec Mme de Maintenon qui ne voulut pas, assure Saint-Simon[1], « se donner le ridicule de faire dire qu’elle mettoit sa nièce auprès d’une jeune princesse pour la former à ce qu’elle avoit pratiqué et à ce qui l’avoit fait chasser avec éclat[2]. » Elle lui fit préférer Mme de Cheverny qui était fille de Saumery, ancien sous-gouverneur puis aide de camp du Duc de Bourgogne. Indirectement tout au moins, sa jeune belle-sœur était ainsi placée sous sa surveillance et sa protection. Les fêtes du mariage, auxquelles on donna peu de solennité, se passèrent en partie dans son appartement. Ce fut chez elle que se rendirent, le jour des fiançailles, les futurs époux après la signature du contrat. « Il y avait, dit Dangeau, plus de dames parées que je n’en ai vues à aucune cérémonie[3]. » On joua en attendant le souper du Roi, car, afin qu’on pût établir un plus grand nombre de tables de jeu, la Duchesse de Bourgogne avait eu la précaution de faire enlever le billard. Le lendemain, le mariage fut célébré par le cardinal de Janson. Au sortir de la cérémonie qui l’élevait au rang de petite-fille de France, la nouvelle duchesse de Berry dut passer devant sa grand’mère, Madame : « Poussez-moi donc, Madame, lui dit-elle avec bonne grâce, pour me faire passer devant vous, et il me faut encore quelque temps pour m’accoutumer à cet honneur-là. » Au souper, on fut vingt-huit à table. Après le souper, on conduisit les époux à leur nouvel appartement. Toutes les dames entrèrent dans la chambre de la mariée. Le cardinal de Janson fit la bénédiction du lit. Ce fut la Duchesse de Bourgogne qui donna la chemise à la Duchesse de Berry, et, quand tout le monde se fut retiré et les mariés couchés, ce furent le grave duc de Beauvilliers comme ancien sous-gouverneur, et la duchesse de Saint-Simon comme dame d’honneur qui tirèrent le rideau chacun de leur côté,

  1. Saint-Simon fait ici allusion à la liaison notoire de Mme de Caylus avec le duc de Villeroy.
  2. Saint-Simon, édition de 1856, t. VIII, p. 317.
  3. Dangeau, t. VIII, p. 300.